Technique

Savez-vous passer les câbles… à la mode d’aujourd’hui?

Écrit par Marco Lasalle

Le câblage électrique d’une habitation n’est pas une préoccupation de premier ordre pour la majorité des entrepreneurs généraux, et c’est tout à fait normal. Cette étape est exécutée par un entrepreneur spécialisé. D’autant plus que de façon générale, tout le monde le fait de la même manière. Après tout, pourquoi changer des habitudes de travail qui fonctionnent?

Pourtant, il n’y a pas qu’une seule façon de distribuer le câblage électrique dans une habitation. Même que la méthode préconisée par les entrepreneurs d’ici est une particularité typiquement québécoise que l’on voit très peu – voire pas du tout – ailleurs au Canada et aux États-Unis. Notre méthode québécoise requiert plus de matériaux et de main-d’œuvre et comporte davantage de restrictions, engendrant plusieurs non-conformités.

La problématique se situe au niveau de la protection des câbles. Durant les années 80, les entrepreneurs québécois ont modifié leur méthode de travail liée au câblage électrique en raison de l’entrée en vigueur du Règlement sur l’économie d’énergie dans les nouveaux bâtiments. Avant l’apparition de ce règlement, il était coutume de passer les câbles dans les colombages, comme c’est le cas actuellement pour les cloisons intérieures. Cette nouvelle réglementation marquait le moment où l’industrie s’est préoccupée des pertes énergétiques par infiltrations d’air. Le papier kraft ou les pellicules de plomb utilisées jusque-là comme pare-vapeur ont fait place aux films de polyéthylène, communément appelé « polythène ». À cette période, même si Dupont avait déjà breveté sa désormais célèbre pellicule de polyoléfine « Tyvek » (en 1983, au Canada), celle-ci n’a été popularisée qu’au début des années 90. À l’extérieur, on utilisait encore un papier-feutre en guise de membrane pare-pluie? Dans ces conditions, il était irréaliste de penser faire l’étanchéité à l’air par l’extérieur.

En câblant différemment les installations électriques, on pourrait supprimer les fourrures intérieures et éliminer l’utilisation de ruban de scellement et de scellant acoustique sur les murs extérieurs, ce qui représenterait une économie de matériaux et de temps.

Pour créer une étanchéité à l’air minimale, il n’y avait donc pas cinquante-six solutions. L’industrie a choisi de donner deux rôles à la pellicule de polythène, soit ceux de pare-vapeur et de pare-air. Encore aujourd’hui, l’industrie confond régulièrement les rôles du pare-vapeur et du système pare-air.


« LE SAVIEZ-VOUS? »

Au Québec, il y a trois incendies par jour causés par un court-circuit électrique dans un bâtiment d’habitation.
Source : Sécurité publique du Québec 2015

Pour jouer un rôle de pare-vapeur, le polythène, le papier kraft et les pellicules de plomb n’ont pas à être étanches à l’air. Ils n’ont donc pas à être scellés, chevauchés, et les percements n’ont pas à être ragréés. Toutefois, pour obtenir une étanchéité à l’air avec l’un de ces matériaux, l’installation doit être scellée et comporter un minimum de perforations, voire aucune. Dans ces conditions, comment pouvait-on assurer l’étanchéité à l’air lors du passage des câbles électriques?

Facile ! Il s’agissait au départ de passer les câbles dans l’espace créé par les fourrures intérieures, entre le gypse et l’ossature. Ça, c’était avant l’avènement du Code électrique du Québec 2010, qui aurait dû bouleverser les pratiques courantes.

Depuis le Code électrique 2010, il est obligatoire d’avoir un dégagement d’au moins 32 mm (environ 1¼’’) entre les éléments de charpente qui soutiennent un revêtement et les câbles électriques. Également, tout câble électrique qui est situé derrière une plinthe, une moulure ou un élément de finition semblable doit également avoir le même dégagement de 32 mm (1 ¼’’) du côté caché du revêtement (côté intérieur du panneau de gypse) pour le protéger contre les clous ou les vis.

Dans le cas où il ne serait pas possible de respecter le dégagement prescrit, une protection métallique devrait être installée, comme une plaque métallique ou une douille. Notez que ces protections ne sont pas requises pour les câbles sous gaine métallique (câbles BX), puisque leur gaine métallique sert déjà de protection. La nouvelle version du Code électrique québécois (2018) apporte de nouvelles restrictions au niveau du câblage qui s’ajoutent à celles déjà existantes. Les câbles horizontaux situés dans une zone contenue entre 1 (environ 3 pi 3 po) et 2 mètres (environ 6 pi 6 po) du plancher doivent également avoir un dégagement de 32 mm (environ 1¼ po) de la surface intérieure du gypse. Toute section ne respectant pas ce dégagement devra être protégée mécaniquement. Toutefois, si le câble se trouve derrière des caissons d’armoire, la protection n’est pas nécessaire.

Bref, la somme des exigences et des exceptions peut entraver l’assurance de la conformité dans chacune des situations. Il faut aussi tenir compte des contraintes externes au Code électrique, tel que l’étanchéité à l’air, les fonds de clouage et autres…

Comment faire pour assurer la conformité ?

Deux méthodes peuvent être employées pour livrer des installations conformes. Pour déterminer la méthode à privilégier, il faut sélectionner l’endroit dans l’enveloppe où sera réalisé le système d’étanchéité à l’air. Il est de la responsabilité du gestionnaire de projet de s’assurer que tous les ouvriers sont conscients de l’endroit et de l’assemblage qui constituent le système d’étanchéité à l’air.

Si le système d’étanchéité à l’air est fait du côté intérieur, c’est-à-dire avec le polythène ou un matériau rigide tel que du polyisocyanurate, par exemple, le passage du câblage dans l’espace créé par les fourrures intérieures est requis afin de minimiser les perforations dans le matériau constituant le système pare-air. Une inspection minutieuse est également requise avant la pose du gypse pour déceler et ragréer toutes les perforations au matériau afin de rendre le bâtiment étanche à l’air.

Lors de l’inspection, il sera également nécessaire de s’assurer que les protections métalliques ont été installées aux endroits préalablement décrits et illustrés sur la fiche technique S8-09 du Recueil des fiches techniques de l’APCHQ, réalisée en collaboration avec la Corporation des maîtres électriciens du Québec. Il s’agit de la méthode qui comporte le plus de risques d’erreurs du point de vue réglementaire, de l’exécution (percement au niveau du système d’étanchéité à l’air) et de la continuité du système d’étanchéité à l’air. Cette méthode demande temps et minutie pour sceller au ruban et au scellant acoustique un système d’étanchéité à l’air par l’intérieur.

Puisque nous ne sommes plus dans les années 80 et que la science du bâtiment a grandement évolué, nous savons maintenant qu’il est beaucoup plus performant d’effectuer l’étanchéité à l’air du côté extérieur. Les manufacturiers ont développé des matériaux et des méthodes d’assemblage qui étaient peu ou pas accessibles autrefois. L’étanchéité à l’air peut être assurée par l’extérieur par du polyuréthane, du polystyrène extrudé, du polystyrène expansé et plusieurs autres types de panneaux. De façon générale, il est plus simple de faire l’étanchéité à l’air par l’extérieur, car il y a moins de détails nécessitant des soins particuliers d’assemblage. De plus, il s’exécute en une seule étape. On installe et scelle les panneaux au sol avant de lever les murs et il ne reste plus qu’à sceller aux ouvertures et ragréer les percements, lesquels sont moins nombreux que lorsque l’étanchéité à l’air se fait du côté intérieur.

« LE SAVIEZ-VOUS? »

La protection des câbles électriques entre le gypse et l’ossature est le 8e élément ayant fait l’objet du plus grand nombre de réclamations chez Garantie de construction résidentielle (GCR) en 2019.
Source : Tournée GCR 2020

Ainsi, si le système d’étanchéité à l’air est fait par l’extérieur, le polythène joue le même rôle qu’il avait à l’origine de son utilisation, soit celui de pare-vapeur seulement. Comme pour le papier kraft et le papier de plomb d’autrefois, le scellage et l’ajout du scellant acoustique ne sont plus requis. Les perforations faites pour l’électricité, la plomberie ou autre n’ont plus à être rapiécées. Rappelons que le rôle d’un pare-vapeur n’est pas d’empêcher les courants d’air (auquel cas il faudrait le sceller), mais de réduire le transfert de vapeur d’eau par diffusion.

On peut donc faire le câblage électrique tout comme on le faisait autrefois et comme le reste de l’Amérique le fait depuis toujours, en le passant par les colombages. Cela étant, on doit changer légèrement son horaire de chantier; l’électricien doit faire le câblage avant l’installation de la laine et du pare-vapeur.

Est-ce plus long?

Pas du tout, cette méthode est plus rapide. Si l’installation de la laine peut prendre quelques minutes de plus (peut-être 90 minutes au total pour un bâtiment de deux étages), fini le scellement au ruban et scellant acoustique ? On peut même oublier les fourrures intérieures qui sont une autre exclusivité québécoise et qui ne bonifient aucunement la qualité de la construction.

Pour les entrepreneurs en quête du Mur parfait, la meilleure pratique consiste à effectuer l’étanchéité à l’air par l’extérieur et câbler la distribution électrique au niveau de l’ossature murale telle que présentée dans la fiche S8-10 du Recueil des fiches techniques de l’APCHQ. L’expérience démontre que les coûts et les malfaçons sont minimisés et la performance du système d’étanchéité à l’air est optimisée.

ATTENTION!
Lorsque les câbles électriques sont installés dans l’espace créé par les fourrures, il est fort probable que des protections métalliques soient requises à au moins un endroit dans le bâtiment. L’absence totale de protection métallique est un indice de la présence d’au moins une non-conformité. Un appel au maître-électricien pour éclaircir cet élément est requis avant de procéder à l’installation des panneaux de gypse.

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Marco Lasalle

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