Technique

Quelle est la vraie valeur isolante d’un assemblage?

Écrit par Marco Lasalle

Pour connaître la performance énergétique réelle d’un bâtiment, il faut évaluer plusieurs facteurs différents comme l’efficacité du système d’étanchéité à l’air (taux de changement d’air à l’heure) et le niveau d’isolation.

Comme expliqué dans l’article sur le programme ÉnerGuide, il n’est pas possible pour un acheteur québécois de maison neuve de connaître la performance globale de son bâtiment lors de son achat. Pour avoir un aperçu de l’appétit énergétique potentiel d’un bâtiment, les consommateurs ne peuvent se fier qu’à la seule donnée disponible : la valeur R des éléments de l’enveloppe. Mais que vaut la valeur R exigée dans la réglementation québécoise?

QU’EST-CE QUE LA VALEUR R?

La valeur R est la résistance d’un matériau ou d’un assemblage au passage de la chaleur. Plus la valeur R est élevée, plus le matériau retardera le transfert de chaleur.

Peut-on vraiment se fier à la valeur R?

Il y a deux méthodes pour évaluer la valeur R d’un assemblage : une bonne… et une mauvaise!

Première méthode : la valeur Rtotale

Pour évaluer la valeur Rtotale d’un assemblage, il suffit d’additionner la valeur R de l’ensemble des matériaux dans la partie la plus isolée de l’assemblage. Par exemple, si on veut évaluer la valeur Rtotale d’un mur constitué de colombages en 2 x 6 aux 16 po c/c avec une laine 5½ po, il suffit de mesurer la valeur à l’endroit où l’isolation est à son apogée, c’est-à-dire vis-à-vis de l’isolant.

Cet assemblage possèderait une valeur Rtotale de R19. C’est la méthode exigée par le Code de construction du Québec. Il s’agit d’une mauvaise méthode, car elle exclut les éléments non isolés tels que les colombages, la lisse et la sablière. Pourtant, ces éléments peuvent représenter entre 22 et 25 % de la surface d’un mur.

Deuxième méthode : la valeur Reffective

Cette valeur représente la résistance thermique d’un assemblage, en tenant compte proportionnellement aux parties isolées et à celles qui le sont moins. On considère donc non seulement la partie isolée, mais également la structure (colombage, lisse et sablière).

En d’autres termes, la valeur Reffective ne tient pas seulement compte de la partie la mieux isolée de l’assemblage, mais également de l’impact des ponts thermiques. Il s’agit d’une bonne méthode qui représente mieux la résistance thermique d’un assemblage.

En reprenant notre exemple précédent (ossature en 2 x 6 avec laine R-19), nous arrivons à une tout autre évaluation de résistance thermique de cet assemblage, celui-ci ayant une valeur Reffective de seulement R13.4. C’est 30 % d’écart !

La valeur Reffective est la méthode reconnue par le Code national du bâtiment. Toutefois, celle-ci n’est pas appliquée par le Code de construction du Québec.

Comparer des valeurs R

Bien qu’un dollar soit un dollar, un dollar canadien n’a pas la même valeur qu’un dollar américain. C’est pourquoi, lorsque l’on veut comparer le prix d’un article sur le Web, on doit toujours s’assurer que l’on compare les prix dans des devises identiques. Il en est de même en ce qui concerne la résistance thermique d’un assemblage. Il faut comparer des valeurs Rtotales avec des valeurs Rtotales, et des valeurs Reffectives avec des valeurs Reffectives.

Finalement, lorsque les deux données sont connues, on devrait toujours privilégier la valeur Reffective, qui est celle se rapprochant le plus de la réalité.

Il est très difficile de faire un choix éclairé à partir d’une donnée aussi peu significative que la valeur Rtotale. En réalité, ces deux compositions sont assez similaires. Celle en 2 x 4 a une résistance effective de R13.54, et celle en 2 x 6 de R13.4. Pourtant, si l’on se fiait à la valeur Rtotale, on aurait pu croire que celle avec de la laine R-19 était supérieure… et de loin !

Comme le démontre le tableau, la distance entre les colombages n’a pas une énorme incidence sur la valeur Reffective. La valeur R entre des colombages situés aux 12 po et aux 24 po c/c est inférieure à 1. Ce qui importe le plus est le fait de considérer ou non l’impact des éléments d’ossature (colombages, lisse et sablière) dans le calcul de la valeur. Une ossature en 2 x 6 avec laine aux 16 po c/c a une valeur Rtotale de R19, alors qu’elle n’est que de R13.4 en Reffectives.

La particularité québécoise

Au Québec, il faut utiliser le Rtotal pour les bâtiments d’habitations ayant au plus de 600m² et au plus trois étages. Le Code de construction du Québec, ayant refusé de suivre la tangente canadienne quant à l’efficacité énergétique, a retiré tout ce qui concerne ce sujet provenant du Code national du bâtiment. Ainsi, alors que le reste du Canada travaille avec des valeurs Reffectives, le code québécois reste à l’âge de pierre avec des exigences en Rtotale. Pourtant, à l’ère des codes par objectif où l’important n’est plus la recette mais le résultat, notre Code de construction refuse de s’adapter à l’évolution de la science du bâtiment et devient un obstacle à l’innovation. Aux dernières nouvelles, la version 2015 du Code de construction du Québec (qui ne devrait pas être adoptée avant 2020 au Québec) n’apportera aucune modification à la Partie 11, Efficacité énergétique, et nous resterons encore et toujours avec une méthode désuète qui trompe le consommateur sur la performance réelle d’une composition.

L’expérience Novoclimat démontre pourtant bien que l’industrie est capable de comprendre, de calculer et d’appliquer des valeurs Reffectives. Utiliser une méthode représentative de la performance réelle d’un assemblage permettrait aux constructeurs d’effectuer des choix plus judicieux afin d’avoir une meilleure performance, tout en limitant la quantité de matériaux requis. Cela réduirait les coûts de construction et optimiserait l’utilisation des ressources.

Pour ce qui est des bâtiments n’étant pas assujettis à la Partie 11 du Code de construction du Québec, ceux-ci sont maintenant assujettis au Chapitre I.1 du Code de construction du Québec – Efficacité énergétique des bâtiments autres que les petits bâtiments d’habitation. Ce nouveau Chapitre du Code utilise les valeurs Reffectives. Il s’agit d’une avancée, mais en même temps, c’est comme si un chapitre était en mesures métriques et un autre en mesures impériales. Pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire compliquer? Bienvenue les erreurs de prescriptions sur les plans et devis lorsque seul le symbole R sera indiqué sur les plans. Parle-t-on de valeurs Reffectives ou Rtotales?

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Marco Lasalle

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