Architecture et urbanisme Technique

Chevauchements réglementaires: difficile de s’y retrouver

Écrit par Marie-Pier Germain

Au sens large, la réglementation se définit comme étant l’action qui encadre un domaine spécifique d’activités. La réglementation, ce n’est ni plus ni moins que le regroupement de lois, de codes, de prescriptions et de règles.

Dans le secteur de la construction, la plus ancienne réglementation connue est un texte babylonien qui remonte à l’an 1750 avant Jésus Christ : le Code d’Hammourabi. Il contenait des articles comme ceux-ci : « Si un architecte a construit une maison pour un autre, et l’a menée à bonne fin, il lui donnera pour son cadeau deux sicles d’argent, par de sa superficie » ou encore « Si un architecte a construit pour un autre une maison, et n’a pas rendu solide son œuvre, si la maison construite s’est écroulée, et a tué le maître de la maison, cet architecte est passible de mort ». Ces prescriptions assez drastiques visaient à assurer la qualité et la stabilité de l’ouvrage, mais aussi à protéger le public. Encore aujourd’hui, ce sont les objectifs ultimes visés par la réglementation.

Bien qu’elle ait évoluée au fil du temps en réaction à des évènements circonstanciels, la réglementation comporte une panoplie de documents qui, lorsque pris séparément, sont relativement faciles à comprendre et à appliquer. Le problème arrive quand on regroupe tout ce qui s’applique à une construction, et que l’on constate que les documents réglementaires se chevauchent dans le temps. Ça devient tout un casse-tête! Pourtant, aussi complexe que cela puisse l’être, il est requis et impératif de s’y conformer correctement. Comment en est-on arrivé à devoir vivre avec toute cette complexité réglementaire?

Les codes au fil des ans

Dans le passé, la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) avait l’habitude de publier les différents chapitres du Code de construction du Québec (CCQ) ‒ bâtiment, gaz, plomberie, ascenseur et autres appareils élévateurs, électricité, remontées mécaniques, installation d’équipements pétroliers, jeux et manèges et lieux de baignade ‒ suivant des cycles de cinq ans. Donc, tous les cinq ans, on pouvait s’attendre à avoir de nouveaux chapitres modifiés du CCQ. Toutefois, depuis 2012, la RBQ a apporté des modifications réglementaires à certains chapitres du CCQ. Il est important de souligner qu’en 2012, c’est le CCQ 2010 qui a été publié. On comprend donc que les années d’édition des codes sont décalées par rapport aux années réelles de publication.

Depuis 2012, les cycles quinquennaux ont été brisés. Au fil des ans, le CCQ 2010 (sorti en 2012) a été modifié, et aucun autre code n’est sorti depuis. Avant, la RBQ attendait le prochain cycle pour apporter des changements majeurs au Code. Mais depuis 2012, les changements sont récurrents et apportent leur lot de complexité. On pense, par exemple, à la partie sur l’accessibilité universelle (parue en septembre 2018), au chapitre sur l’efficacité énergétique (paru en juin 2020) ou encore à la partie 11 – Efficacité énergétique pour les maisons et petits bâtiments (parue en 2012, après la sortie du CCQ 2010). Il faut non seulement être attentif et bien informé pour suivre toutes ces modifications et ces ajouts, mais il faut fouiller pour s’assurer de bien maîtriser les dates de parution, les délais de grâce et les dates officielles d’entrée en vigueur.

Du côté des municipalités

Il faut considérer en parallèle que la RBQ délègue par ailleurs aux municipalités le pouvoir d’interprétation et d’application du Chapitre 1 – Bâtiment du CCQ pour les bâtiments non assujettis. La RBQ définit un bâtiment assujetti comme étant un bâtiment de plus de deux étages ET de plus de huit unités, les deux conditions doivent être présentes. Par exemple, un bâtiment d’habitation de trois étages et de huit unités n’est pas assujetti au CCQ en vigueur. Ainsi, une municipalité est libre d’adopter la version du code de son choix, ou même son propre code de construction. Or, un bâtiment d’habitation de trois étages et de neuf unités sera assujetti au code de construction en vigueur, qui, à ce jour, est le CCQ 2010.

À chaque municipalité son code, mais pour un certain type de bâtiment seulement. Ne serait-il pas plus simple d’avoir un seul code pour l’ensemble des bâtiments construits sur le territoire québécois? Assurément. La facilité de s’y retrouver dans la réglementation rend la tâche d’assurer la conformité de la construction beaucoup plus simple. Plusieurs représentations ont été faites auprès de la RBQ en ce sens, et l’industrie est unanime à savoir qu’un code unique est souhaitable. Le prochain Code (2015) est sur le point de sortir, vers la fin de l’année 2021. Nous en sommes donc au prochain cycle. Le temps nous dira si le code unique pourrait, sous toutes réserves, être le CCQ 2020, qui sortira vers 2025.

Autres types de réglementation

Jusqu’à présent, nous avons soulevé la complexité réglementaire liée au CCQ uniquement, mais à cela s’ajoute d’autres types de réglementation avec lesquelles les concepteurs et constructeurs doivent conjuguer parallèlement. Les municipalités peuvent avoir des exigences supplétives au CCQ, comme le règlement 11-018 de la Ville de Montréal qui porte sur la construction et la transformation de bâtiments en lien avec l’efficacité énergétique. On peut aussi nommer le règlement sur les appareils de chauffage au mazout, ou encore le règlement pour une métropole mixte de la Ville de Montréal. Bref, les exemples sont nombreux puisqu’à chaque ville, ses propres règlements.

Il y a lieu de considérer également le Code de sécurité pour les travaux de construction. Des modifications législatives peuvent aussi entrer en vigueur, comme la Loi sur les architectes ou la Loi sur les ingénieurs, ou l’entrée en vigueur de l’exigence sur la formation continue obligatoire pour les entrepreneurs en construction. On peut aussi soulever la négociation de la convention collective qui se joue sur des cycles de quatre ans. Le fardeau réglementaire des entrepreneurs dépasse le volet technique et le défi d’y voir clair est d’autant plus grand pour les entreprises en construction de petite taille.

En résumé, l’idée est de démontrer que le dédale réglementaire du milieu de la construction au Québec peut avoir l’effet contraire de ce que vise la réglementation, c’est-à-dire protéger le public et assurer la conformité des ouvrages. Pour illustrer où nous en sommes à ce jour, voici un diagramme permettant de visualiser, dans le temps, les principales règles applicables. Mais attention, le contenu n’est pas exhaustif, et dépendamment où l’on se situe, il est fort probable que des ajouts doivent s’appliquer.

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Marie-Pier Germain

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