Très ravageuse, la mérule pleureuse est un véritable cauchemar pour les propriétaires de résidences infestées par ce champignon lignivore.
Même si plusieurs espèces de champignons sont susceptibles d’affecter les bâtiments, la mérule pleureuse est le champignon le plus dommageable et le plus répandu. Au Québec, il est possible de trouver ce champignon dans les bois, où la présence d’eau et d’humidité est importante. Toutefois, il est plutôt rare de faire sa rencontre en milieux naturels. La mérule semble préférer les habitations conçues avec des structures de bois.
Comment la reconnaître?
Bien que ce champignon puisse s’en prendre à toutes les sortes de bois, il préfère largement le bois des résineux (sapin, épinette, pin). Ce sont exactement les mêmes types de bois que nous utilisons pour les matériaux de construction. Il n’est donc pas étonnant que ce champignon se sente bien dans nos maisons.
L’apparence de la mérule est en constante évolution et est changeante avec sa croissance. Lorsque le champignon grandit sur un support humide, son aspect physique s’apparente à un épais feutre blanc d’allure cotonneuse. Quand l’eau se fait plus rare, sa coloration devient grisâtre et peut parfois être marbrée de beige ou de violet.
À cette masse de feutre poussent rapidement des cordonnets destinés à lui apporter de l’eau contenue dans le bois sur lequel le champignon se développe. Ses cordonnets d’environ 8 mm de diamètre et de couleur brune peuvent atteindre plusieurs mètres de longueur, propageant ainsi la maladie loin de sa source d’infection. Ce sont ces cordonnets qui entraînent sa fructification.
Lorsque le champignon grandit et atteint une taille considérable, il devient très adhérent au support. Son contour est alors blanc et sinueux, et le centre est visqueux, alvéolaire et de couleur rouille très soutenue. On peut remarquer que de fines gouttelettes s’échappent du centre, d’où le nom de mérule pleureuse.
Comment se développe-t-elle?
La présence d’eau et d’humidité importante accompagnée d’un manque d’aération sont les conditions gagnantes pour le développement de la mérule. Ce champignon émerge sur des bois humides, généralement placés dans un lieu frais et confiné. Un vide sanitaire ou un faux plancher sont donc des endroits de choix. Chose étonnante, il n’est pas nécessaire que l’humidité soit constante pour amorcer son développement. Une courte période de sécheresse ne suffira pas à désamorcer sa croissance. D’ailleurs, les cordonnets qui alimentent le champignon en eau lui permettent facilement de traverser et de poursuivre sa progression dans des matériaux secs comme le bois, le béton, la brique, la pierre taillée ou encore les moellons. Par conséquent, il est très probable qu’une maison jumelée, totalement saine, devienne contaminée parce que le champignon s’est propagé par le mur mitoyen de la fondation.
Au surplus d’un apport d’humidité et d’un manque d’aération, la température joue également un rôle dans la propagation de la mérule. On évalue entre 5 0C et 26 0C les températures de progression de ce champignon. Il est important de souligner que nous maintenons la température de nos maisons à l’intérieur de cet intervalle de température.
Un autre facteur pouvant assurer sa croissance rapide relève des émanations des substances alcalines, principalement l’ammoniaque contenue dans les urines. En conséquence, les endroits malpropres, voire insalubres. Attention à l’urine des animaux, qui peut se retrouver facilement dans un faux plancher ou entre deux matériaux.
Ensuite vient l’obscurité, laquelle est généralement associée aux habitations ayant des endroits humides et confinés (vide sanitaire, faux plancher, sous-sol, etc.). La mérule fera son apparition dans l’obscurité. Toutefois, elle a besoin d’une quantité minimale de lumière afin d’assurer sa survie. Quelques minutes suffisent à activer sa fructification. Elle devient alors de couleur rouille très foncée, dans les teintes de brun et d’orangé. À ce point, le mal est fait et les dommages sont difficilement réparables.
La mérule est sournoise. Si les conditions ne sont plus propices à son développement, elle demeurera en état de latence et recommencera à se propager lorsque les conditions redeviendront favorables.
Quels dommages cause-t-elle?
La mérule pleureuse est difficile à détecter, principalement lors d’une visite d’inspection de routine. Différencier un bois légèrement contaminé d’un bois sain n’est pas simple. Par contre, la présence d’une source d’humidité (robinet qui coule depuis longtemps, présence de moisissures, gouttière défectueuse, etc.) entraîne forcément une conséquence (déformation d’une plinthe, gonflement d’un châssis, etc.). Ce sont là des dommages mineurs, mais indicateurs d’une problématique pouvant être liée à la présence de la mérule. La mérule est pratiquement toujours accompagnée de moisissures.
Une fois installée, la mérule détruit principalement le bois œuvré, lui faisant perdre toute rigidité, d’où le risque d’effondrement de la structure. Les bois à nu, comme les éléments composant l’ossature de la maison, deviendront brunâtres et finiront par s’effriter puisqu’elle s’attaque principalement à la cellulose du bois. En contrepartie, on verra apparaître sur les bois peints ou vernis des boursoufflures et des craquelures, créant un passage vers la cellulose du bois.
La mérule pleureuse émerge toujours sur des bois humides, même sous le plancher.
Photo : Enviro-option inc.
Un traitement est-il possible?
L’investigation doit cibler les parties du bâtiment qui sont contaminées de celles qui ne le sont pas. Une bonne répartition des zones d’intervention aidera à déterminer l’ampleur des travaux à faire et orientera les phases de démolition.
Évidemment, le traitement dépendra de l’ampleur des dommages et diverses techniques peuvent être utilisées, selon le cas et ce que déterminera l’expert en décontamination responsable des travaux. Toutefois, il faut avoir en tête que les travaux sont souvent majeurs et que le bâtiment pourrait ne pas être habitable pendant la période des travaux.
Avant de penser à démolir le bâtiment, il est judicieux d’appuyer cette décision sur un rapport d’ingénieur en structure qui pourra qualifier l’état structurel du bâtiment et juger de la nécessité de démolir le bâtiment. Les coûts de réhabilitation versus les coûts de démolition et de reconstruction sont également un élément important à considérer dans la prise de décision. Chose certaine, la démolition du bâtiment devrait être considérée comme une solution de dernier recours, et non comme étant une règle générale.
Ce champignon se développe aussi de façon plus apparente sur le plancher.
Photo : Enviro-option inc.
Quelles sont les précautions à prendre?
Voici les principales précautions à prendre pour éviter d’être aux prises avec ce champignon dévastateur.
Au chantier :
• S’assurer que le bois d’œuvre respecte les taux d’humidité maximaux permis par la réglementation en vigueur, soit un maximum de 19 %.
• S’assurer que le bois d’œuvre n’est pas soumis aux intempéries.
• S’assurer que la ventilation est conforme à la réglementation en vigueur (vides sanitaires, sous-sol, salle de bain, etc.).
• Entreprendre les travaux de crépissage, peinture, revêtements de plancher ou autres sur des surfaces sèches et prêtes à la pose selon la réglementation en vigueur et les recommandations des fabricants.
• S’assurer de laisser un espace entre les lattes des planchers et l’ossature des murs.
• S’assurer de l’étanchéité des conduites d’eau avant de fermer les murs.
À la maison :
• S’assurer de la bonne hygiène du bâtiment.
• Assurer une ventilation adéquate et contrôler le taux d’humidité ambiant (pas seulement dans les espaces habitables : les vides sanitaires, les greniers et les sous-sols font aussi partie intégrante du bâtiment).
• Investiguer rapidement si vous voyez qu’un robinet fuit, qu’une plinthe est noircie ou boursoufflée ou qu’il y a présence d’un cerne au plafond.
NOTE :
Le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) travaille actuellement en comité à la rédaction d’une norme consensuelle portant sur l’investigation et la réhabilitation dans les cas de contamination des habitations par la mérule pleureuse. La sortie de la norme est prévue pour 2021.