Saviez-vous que 40 à 45 % des gestes que l’on pose chaque jour ne sont pas issus de décisions, mais d’habitudes?
L’humain est un être d’habitudes, et si certains de nos gestes sont des habitudes conscientes, beaucoup d’autres se font naturellement et inconsciemment, elles sont ancrées en nous et nous ne les remarquons même pas. C’est aussi vrai dans le milieu de la construction.
Malgré l’évolution constante de l’industrie de la construction, certaines façons de faire et surtout de nommer les choses sont ancrées chez les intervenants du milieu. Il est assez commun d’entendre sur les chantiers des phrases comme : « On est rendus à poser le solin au-dessus des fenêtres? » ou encore « Es-tu certain d’avoir bien scellé le pare-air? ». Bien que le sens général de ces deux phrases soit compréhensible, elles comprennent plusieurs inexactitudes entre le matériau dont on parle et sa réelle fonction. Démystifions cette ambiguïté bien ancrée.
Matériaux et fonctions : définitions
Regardons premièrement les significations officielles de « matériaux » et de « fonction ». Le Larousse définit ces deux termes comme suit :
Matériaux : Matière qui sert de base à la construction, à l’élaboration d’objet.
Fonction : Rôle que joue quelque chose dans un ensemble; ce à quoi il sert.
L’un étant une matière, alors que l’autre a un rôle à jouer, on comprend que le premier vient servir le second pour former un ensemble constructif et participatif dans la réalisation du bâtiment.
Puisqu’un matériau est une matière, en construction, on pense notamment au bois, au métal, au plastique, au sable, au gravier, au ciment, etc. Ce sont ces matières qui, mises ensemble pour former des matériaux composites (par exemple le béton qui est composé de sable, gravier, ciment et eau), viennent s’intégrer dans le système constructif du bâtiment pour y jouer un rôle précis; les matériaux ont ainsi une fonction.
Les différentes fonctions peuvent varier. La fonction la plus évidente est sans doute celle du bois, qui joue un rôle structurel. Mais d’autres sont plus subtiles comme le parepluie, le pare-air, le pare-vapeur et l’isolation. Plusieurs pensent à tort qu’un matériau isolant assume uniquement la fonction d’isoler, alors que c’est tout faux. Un matériau isolant peut faire partie intégrante du système pareair. Tout comme un revêtement extérieur fait partie du système pare-pluie puisque son rôle consiste à être le premier plan de protection de l’enveloppe du bâtiment contre les intempéries.
Un matériau n’est pas associé à une seule et unique fonction. La plupart du temps, c’est l’assemblage de plusieurs matériaux qui assure une fonction. C’est souvent ce qui est mal compris sur les chantiers. Voici quelques exemples qui sauront illustrer ces propos.
Premier exemple : le solin
Le solin n’est pas un matériau en soi, mais plutôt un assemblage de matériaux qui, positionné à différents endroits stratégiques dans l’enveloppe, permet à l’eau ayant traversé le premier plan de protection (le parement extérieur) de s’évacuer vers l’extérieur de l’enveloppe. Au chantier, on n’installe pas un solin, mais plutôt un matériau, ou un assemblage de matériaux, qui aura la fonction de solin. À ce sujet, le Code de construction définit, aux sections 9.20. Maçonnerie et 9.27. Revêtement extérieur, quels sont les matériaux qui peuvent être utilisés pour composer un solin.
Prenons en exemple l’exigence de mettre un solin à la base d’un mur de maçonnerie. À la section 9.20., le Code de construction permet de travailler avec différents types de matériaux pour effectuer une partie du solin. Dans le cas d’une membrane autocollante, il est fort à parier qu’un apprêt compatible devra être appliqué avant l’installation de celle-ci, tout dépend du type de membrane et des exigences et recommandations du fabricant. Au surplus, la membrane devra ensuite être remontée à l’arrière du pare-intempérie ou scellée dessus, si les spécifications le permettent.
Deuxième exemple : le pare-air Au tournant des années 80 sont apparues sur nos chantiers les membranes de revêtements intermédiaires souples. On parle ici des membranes de polyoléfine, mieux connues sous leur nom commercial Tyvek et Typar. Ayant des propriétés assez performantes quant à l’étanchéité à l’air, ces membranes ont été nommées, au fil des ans, des pare-air. Depuis des décennies, le terme pare-air est resté dans le vocabulaire des gens du milieu, à tort.
Il est faux de croire qu’un matériau à lui seul peut assurer l’étanchéité à l’air d’un bâtiment. On doit parler d’un système pare-air.v Ce dernier est habituellement exécuté en combinant plusieurs matériaux, pour former un tout fonctionnel et performant.
Le Code de construction spécifie, à la section 9.25. Contrôle du transfert de chaleur, des fuites d’air et de la condensation, que les murs, les plafonds et les planchers qui séparent un espace climatisé d’un espace non climatisé ou du sol doivent comporter un système d’étanchéité à l’air. De plus, ce système doit offrir une protection continue contre le passage de l’air.
Prenons l’exemple d’un système d’étanchéité à l’air des murs hors sol qui est effectué du côté extérieur par une membrane souple (Tyvek). Celle-ci devra être installée sur un panneau de revêtement intermédiaire (OSB, contreplaqué ou « Aspenite »), lequel est fixé à la structure de la construction. Lorsque l’étanchéité à l’air du bâtiment est assurée du côté extérieur par une membrane souple, elle doit être scellée à tous ses chevauchements et percements à l’aide d’un ruban adhésif de construction compatible.
La continuité devra ensuite être effectuée avec le reste du système pare-air, soit celui de la toiture et du sous-sol à l’aide de scellants compatibles. Malgré le fait que les propriétés théoriques de la membrane souple (Tyvek) soient adéquates au niveau de l’étanchéité à l’air, le matériau à lui seul ne peut pas suffire à assurer l’étanchéité à l’air du bâtiment, l’assemblage de plusieurs matériaux étant requis.
À l’inverse, si le pare-air était fait du côté intérieur avec la pellicule de polyéthylène cette dernière devra être scellée à l’aide d’un ruban adhésif de construction à tous ses chevauchements et percements. Du scellant devra être installé sur la lisse basse, sur les sablières et aux ouvertures pour assurer la continuité du système. Encore une fois, la fonction du pare-air sera assurée par l’assemblage de plusieurs matériaux.
Les exemples sont nombreux, on pourrait continuer d’en faire la liste, mais l’idée principale est de faire la différence entre un matériau et sa fonction. Bien que l’un ne va pas sans l’autre, ce sont des notions distinctes. Il ne faut pas oublier qu’un matériau peut très bien servir plusieurs fonctions.