Un entrepreneur peut résilier[1] unilatéralement un contrat d’entreprise[2]. Cependant, il est tenu de respecter certaines conditions. Celles-ci doivent être examinées en lien avec des obligations prévues au Code civil du Québec.
Les tribunaux n’hésitent pas à déclarer qu’une résiliation de contrat est fautive si un entrepreneur manque à ses obligations. Mais, quelles sont ces conditions et obligations?
Les conditions
Pour résilier unilatéralement un contrat d’entreprise, un entrepreneur doit avoir un motif sérieux. Chaque cas est un cas d’espèce. Il peut s’agir d’une situation où un client refuserait de payer des coûts prévus au contrat et s’immiscerait constamment dans l’exécution des travaux d’un entrepreneur, créant ainsi une relation tendue avec celui-ci[3]. Toutefois, des coûts d’exécution supérieurs à ceux qui avaient été prévus ne constituent pas un motif sérieux pour mettre fin au contrat[4].
Aussi, l’entrepreneur doit résilier un contrat au moment opportun qui tient compte des intérêts du client. En cas de litige, les tribunaux vérifient, entre autres, à quelle étape les travaux sont rendus et quelle est la période concernée. Par exemple, la décision de résilier un contrat durant l’hiver alors que les travaux de réparation d’une maison ne sont pas assez avancés, ne permettant pas aux propriétaires d’y habiter, risque d’être considérée comme inappropriée. Toutefois, si un client peut engager un autre entrepreneur pour terminer des travaux qui sont déjà avancés, un tribunal pourrait conclure que dans ce contexte, la résiliation du contrat a été effectuée à un moment propice.
Par ailleurs, lorsqu’il résilie unilatéralement un contrat, l’entrepreneur doit faire tout ce qui est nécessaire pour prévenir une perte[5]. Par exemple, protéger les matériaux de construction livrés et payés par le client.
Les conséquences
Un entrepreneur qui résilie illégalement un contrat d’entreprise s’expose à une réclamation en dommages du client. Par exemple, un tribunal pourrait ordonner à cet entrepreneur de rembourser au client les coûts excédentaires qu’il a dû supporter par rapport au prix total du contrat.
La nature des obligations
Les tribunaux déterminent les faits qui ont amené un entrepreneur à résilier unilatéralement un contrat d’entreprise. De plus, ils examinent les obligations légales de l’entrepreneur. Aussi, les tribunaux vérifient si celles-ci ont été respectées par l’entrepreneur concerné.
- L’obligation d’information
L’entrepreneur doit bien informer le client. Cette obligation s’applique selon les circonstances. Un client doit être en mesure de connaître, notamment, les éléments suivants : la nature des travaux à réaliser, le type de contrat et son prix, la nature des biens à fournir et l’échéancier des travaux[6], de même que l’état d’avancement des travaux, des services déjà rendus et des dépenses déjà faites[7]. Également, lorsque requis, des renseignements doivent lui être communiqués relativement aux sommes payées aux sous-entrepreneurs et fournisseurs de matériaux, ainsi que celles qui leur sont dues pour terminer les travaux[8].
- L’obligation de réaliser un ouvrage conforme
L’entrepreneur doit s’assurer que l’ouvrage réalisé est conforme au contrat et qu’il respecte les usages et règles de l’art. Le client doit recevoir un ouvrage en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine[9]. Lorsque des malfaçons fondées lui sont dénoncées, l’entrepreneur doit les corriger.
Des manquements à une ou plusieurs obligations peuvent justifier la décision d’un client de refuser de payer un entrepreneur. Dans ces circonstances, un tribunal risque de déclarer que la résiliation unilatérale d’un contrat faite par un entrepreneur ne respecte pas le critère du motif sérieux.
La conclusion
L’entrepreneur doit respecter ses
obligations s’il décide de résilier unilatéralement un contrat d’entreprise. Son
droit de résilier un contrat est soumis à des critères exigeants. Il a intérêt
à se prémunir d’un contrat écrit qui est clair[10]. Des sommes d’argent appréciables peuvent découler
d’une entente. L’entrepreneur a une obligation d’information qu’il ne doit surtout
pas prendre à la légère, à défaut de quoi, un tribunal pourrait conclure qu’une
résiliation de contrat n’est pas conforme et lui imputer une responsabilité en
lien avec des dommages causés. La prudence et la diligence sont de mise.
[1] Article 2126 du Code civil du Québec. Ci-après « C.c.Q. », pour les références en bas de page. Voir aussi l’article Résiliation unilatérale d’un contrat d’entreprise : est-ce possible?
[2] Article 2098 C.c.Q: Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas, l’entrepreneur ou le prestataire de services s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.
[3] Babalé c. Construction Mikael Proulx Inc., 2022 QCCS 3798, par. 44.
[4] Sintra inc. c. Béton Brunet (Société de services en signalisation SSS), 2023 QCCS 293, par.49.
[5] Article 2126 (2) C.c.Q.
[6] Article 2102 C.c.Q; Picard c. Construction Malstrom Inc., 2021 QCCQ 6177 par. 113; 9054-0006 Québec Inc. (Constructions Gilles Lanoue et Fils) c. Leblanc, 2008 QCCQ 5326, par. 38 à 55.
[7] Article 2108 C.c.Q.
[8] Article 2122 C.c.Q.
[9] Article 2110 (1) C.c.Q.
[10] Sur l’importance d’un contrat écrit, consulter l’article Contrat : l’importance de respecter ses obligations et ses engagements.