La Cour du Québec[1] prononce un arrêt des procédures dans un dossier pour lequel un entrepreneur avait reçu un constat d’infraction pour avoir exécuté des travaux de construction alors que celui-ci ne détenait pas de licence de la Régie du bâtiment du Québec(ci-après Régie) fondé sur la règle interdisant les condamnations multiples.
L’arrêt des procédures prononcé signifie que le juge a ordonné la fin du processus judiciaire en cours dans ce dossier.
Résumé des faits
En réponse à un appel d’offres, l’entrepreneur présente une soumission pour effectuer des travaux électriques dans une école et obtient le contrat. Avant l’exécution des travaux, la Corporation des maîtres électriciens du Québec (ci-après « Corporation »), rend une décision par laquelle l’entrepreneur perd sa licence d’entrepreneur en électricité. Malgré l’annulation de sa licence, l’entrepreneur effectue les travaux pour lesquels sa soumission a été retenue par le donneur d’ouvrage.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (ci-après DPCP) intente une poursuite contre lui, pour avoir exécuté des travaux de construction sans être titulaire d’une licence d’entrepreneur en contravention à la Loi sur le bâtiment. L’entrepreneur plaide alors non coupable à cette infraction.
Ultérieurement, la Corporation intente à son tour une poursuite pénale lui reprochant d’avoir exécuté des travaux d’installation électrique, sans être membre en règle de la Corporation, contrevenant ainsi à la Loi sur les maîtres électriciens. L’entrepreneur plaide coupable à cette infraction et est condamné à l’amende minimale prévue par la Loi.
Celui-ci présente à la Cour une requête en arrêt des procédures en raison d’une atteinte à son droit d’être protégé contre les condamnations multiples garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Le débat soumis à la Cour consistait donc à déterminer si l’entrepreneur était poursuivi deux fois pour la même infraction.
Verdict
Dans ses motifs, la Cour applique les enseignements de la Cour suprême du Canada[2] relativement à la règle interdisant les condamnations multiples. Pour que cette règle s’applique, un lien factuel et juridique entre les deux infractions doit être établi.
Malgré des lois créatrices d’infractions différentes et des poursuivants différents, la Cour conclut que les deux poursuites sont fondées sur le même geste illégal. Selon elle, les faits reprochés à l’entrepreneur dans les deux dossiers sont identiques. En effet, la Corporation lui reprochait d’avoir effectué des travaux d’installation électriquealors qu’il n’était pas membre en règle de sa corporation. Quant à la poursuite pénale intentée par le DPCP, il est reproché à l’entrepreneur d’avoir exécuté des travaux de construction alors qu’il ne détenait pas de licence émise par la Régie.
La Cour souligne que la personne qui exécute des travaux d’électricité sans licence, en contravention à la Loi sur le bâtiment, contrevient en même temps à la Loi sur les maîtres électriciens, puisqu’elle cesse d’être membre de la Corporation dès qu’elle perd sa licence de la Régie. Il n’est donc pas possible de commettre l’une des infractions sans commettre l’autre en même temps. Elle considère donc qu’il existe un lien juridique suffisant entre les deux infractions.
Il est pertinent de mentionner que cette décision a été portée en
appel par le DPCP devant la Cour supérieure[3].
Toutefois, l’appel du poursuivant a été rejeté et l’arrêt des procédures
prononcé par la Cour
[1] Directeur des poursuites criminelles et pénales c. 9316-1362 Québec inc., 2021 QCCQ 3739
[2] R. c. Prince, [1996] 2 R.C.S 480.
[3] Directeur des poursuites criminelles et pénales c. 9316-1362 Québec inc., 2022 QCCS 659