Le 18 février 2018, la Cour supérieure du Québec maintenait un jugement de culpabilité envers une entreprise, en tant qu’employeur, parce qu’un travailleur ne s’était pas protégé contre les chutes alors qu’il était exposé à une chute de plus de trois mètres.
Cette décision a eu un impact important, car la défenderesse plaidait une exonération basée sur la notion « d’employeur momentané ».
Retour sur les faits
Le 17 avril 2012, Rénovations Olymbec inc. (ci-après Olymbec) communique avec Matériaux Économiques Inc. (ci-après MEI) afin de louer des travailleurs pour des travaux de sciage de béton sur un chantier dont elle est maître d’œuvre.
MEI, qui agit habituellement à titre d’entrepreneur spécialisé, convient de louer deux de ses travailleurs à Olymbec, et les parties acceptent que la responsabilité de la surveillance de ce chantier soit assumée par Olymbec. Elle accepte ainsi les travaux selon un tarif horaire comprenant l’équipement et la main-d’œuvre.
Ainsi, les travailleurs de MEI rencontrent un superviseur chez Olymbec, qui leur donne les directives quant aux travaux à effectuer, et ce dernier quitte le chantier pour ne revenir que plusieurs heures plus tard. Après quoi, les travailleurs de MEI commencent leurs travaux. Un des travailleurs ne s’attache pas avec le harnais disponible et ne se protège pas contre le risque de chute. Aucun responsable chez Olymbec ou MEI n’est alors présent sur les lieux.
Malheureusement, le travailleur non attaché perd pied et fait une chute de plus de trois mètres, s’infligeant alors de graves blessures. Arrivés sur place, les inspecteurs de la Commission des normes, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) en viennent à la conclusion que les blessures résultent directement de l’accident.
Verdict et arguments
Olymbec et MEI ont toutes les deux été poursuivies (Olymbec à titre de maître d’œuvre et MEI à titre d’employeur), et déclarées coupables. Seule MEI en a appelé du verdict.
L’argumentation principale de MEI reposait sur la notion d’employeur. En ayant prêté sa main-d’œuvre à Olymbec, MEI argumente qu’Olymbec devenait « l’employeur momentané » des travailleurs et qu’elle aurait donc dû être exonérée de sa responsabilité pénale.
Malheureusement pour MEI, ce n’est pas ainsi que la juge de première instance ni la Cour supérieure n’ont vu la situation. Elles se sont plutôt rangées du côté des arguments de la CNESST, laquelle reconnaissait qu’Olymbec avait peut-être le statut « d’employeur momentané » au moment des événements, mais que le lien d’emploi qui reliait MEI et ses travailleurs faisait en sorte que la présomption de responsabilité d’un employeur sous l’article 239 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail devait trouver application, à moins, dans ce cas-ci, que MEI ait démontré que l’infraction ait été commise à son insu, sans son consentement, et qu’elle ait agi avec diligence raisonnable pour empêcher la commission de l’infraction.
Or, MEI n’a jamais contesté, en première instance, qu’elle n’avait pas formé ses travailleurs, ni assuré aucune surveillance de leur travail et, en plus, avait fourni un équipement de travail défectueux. Ainsi, le juge de première instance a conclu que MEI n’avait pas agi avec diligence raisonnable.
La Cour supérieure fut d’avis que le juge de première instance a eu raison de conclure que l’appelante devait assurer à ses employés une formation continue et adéquate sur les méthodes de travail utilisées en présence de risques plus importants. MEI aurait aussi dû fournir l’équipement de sécurité nécessaire à leur protection tout en assurant qu’il soit conforme aux normes prescrites.
Ce n’est qu’en se conformant à toutes ces obligations qu’un employeur peut s’exonérer de sa responsabilité, et il doit le faire avant de déployer ses travailleurs sur un chantier où il n’assurera ni la surveillance ni la direction des travaux.