Une tour de condos en construction a été endommagée lors d’un incendie. La pose d’un matériel inadéquat par un sous-traitant serait la cause de la défectuosité électrique du système de chauffage. Inquiet, ce sous-traitant se demande s’il peut être tenu responsable des dommages causés à l’ouvrage. Il contacte l’entrepreneur général qui l’informe avoir souscrit à une assurance chantier. Qu’en est-il?
L’assurance chantier
L’assurance chantier est une assurance de biens de type « tous risques » qui couvre les dommages directs causés à un ouvrage en construction en cas de réalisation d’un risque garanti et ce, jusqu’à concurrence de la pleine valeur des travaux11].
En principe, elle protège l’ouvrage, les biens qui y sont incorporés et ceux destinés à être incorporés dans celui-ci (ex. : biens ou matériaux nécessaires à la construction et ceux en cours d’installation). Aussi, elle couvre les frais encourus pour enlever les débris à la suite d’un sinistre assuré2. Notons que certaines polices d’assurance couvrent les matériaux en cours de livraison vers un chantier3 .
- Les risques
Il est connu que les risques pouvant survenir sur un chantier sont variés. L’assurance chantier garantit généralement plusieurs risques comme le risque d’incendie, d’effondrement, de fuite ou d’infiltration d’eau, de vandalisme et de vol. Dans tous les cas, il faut vérifier le libellé de la police d’assurance pour déterminer les risques couverts et ceux qui y sont exclus.
Habituellement, une assurance chantier concerne un chantier identifié par une adresse ou un lieu pouvant être spécifié ou décrit au contrat d’assurance. En principe, elle est en vigueur pendant la durée des travaux, jusqu’à l’acceptation de ceux-ci par le donneur d’ouvrage ou à l’expiration d’un délai indiqué dans la police4.
- Ses objectifs
L’assurance chantier confère une stabilité et une tranquillité d’esprit au propriétaire ou à la propriétaire (donneur ou donneuse d’ouvrage) en lui garantissant que l’entrepreneur·e général·e disposera des fonds nécessaires pour reconstruire rapidement l’ouvrage en cas de sinistre. Elle prévient et évite des litiges entre les parties engagées dans l’exécution des travaux sur un même chantier5. L’indemnisation et la reconstruction sont priorisées, et ce, sans égard à la responsabilité ou la faute des entrepreneur·e·s.
- Les assuré·e·s
Généralement, aux termes d’un contrat d’entreprise, l’entrepreneur·e général·e s’engage à souscrire une assurance chantier pour le donneur ou la donneuse d’ouvrage et à la maintenir pendant la durée des travaux. L’entrepreneur·e a nécessairement intérêt à ce que l’ouvrage ne soit pas détruit ou endommagé à la suite d’un sinistre6. Dans ce contexte, l’entrepreneur·e et le donneur ou la donneuse d’ouvrage sont tous deux des assuré·e·s selon le contrat d’assurance.
En ce qui concerne les sous-traitants, ils peuvent être désignés comme assurés selon la police d’assurance chantier. Toutefois, en l’absence d’une mention à cet effet, les tribunaux considèrent les sous-traitants comme des assurés innommés, et ce, en raison des objectifs de l’assurance chantier et des besoins de l’industrie de la construction.
L’assureur chantier qui indemniserait le donneur ou la donneuse d’ouvrage en cas d’un sinistre garanti, ne pourrait pas ensuite poursuivre l’entrepreneur·e général· et/ou un·e sous-traitant·e, ou encore des sous-traitant·e·s responsables des dommages causés à l’ouvrage, afin de leur réclamer les indemnités versées au donneur ou à la donneuse d’ouvrage. Étant des assuré·e·s, l’entrepreneur·e général·e et les sous-traitant·e·s bénéficient de la protection de l’assurance chantier7.
- Des clauses particulières
Une attention doit être portée à certaines clauses que l’on peut trouver dans une police d’assurance chantier. Par exemple, une clause pourrait stipuler que l’assurance prendra fin en cas de non-surveillance de l’ouvrage ou d’arrêt des travaux de construction pendant plus de 30 jours consécutifs8.
La conclusion
L’entrepreneur·e a intérêt à connaître les objectifs d’une assurance chantier ainsi que son étendue, la période de couverture et les exclusions prévues au contrat d’assurance. Pour bénéficier d’une protection en toutes circonstances, il est recommandé de consulter un courtier ou une courtière d’assurance spécialisé·e dans le secteur de la construction ou un·e avocat·e spécialisé·e en droit des assurances.
1Optimum Société d’assurances inc. c. Plomberie Raymond Lemelin inc., 2009 QCCA 416, par. 20.
2 Olivier F. Kott. et Claudine Roy, La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p. 691.
3 Élif Oral et Marie-Hélène Caron, « L’état du droit en matière d’assurances dans le domaine de la construction » dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit des assurances (2018), vol 451, Montréal, QC, Y. Blais, 2018, p. 88-89.
4 9109-2916 Québec Inc. c. L’Union Canadienne, compagnie d’assurance, 2018 QCCS 435.
5 Commonwealth Construction Co. Ltd. c. Imperial Oil Ltd., 1978 CanLII 138 (CSC); Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37 (CanLII).
6 Article 2481 du Code civil du Québec.
7 Axa Assurance Inc. c. Valko Électrique Inc., 2008 QCCA 2414.
8 Del-Cor (A&R)) c. L’Union Canadienne, compagnie d’assurance, 2018 QCCS 435, par. 62.