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Simulation du comportement hygrothermique d’une enveloppe de bâtiment sous l’effet des infiltrations d’air

L’intérêt grandissant pour la question environnementale place la consommation énergétique des bâtiments au centre des préoccupations du secteur de la construction. La performance thermique et l’étanchéité à l’air de l’enveloppe sont des sujets d’importance grandissante, autant du côté de la pratique que de la recherche.

En effet, on reconnaît de plus en plus les impacts négatifs liés aux mouvements d’air à travers l’enveloppe, notamment les pertes de chaleur et les problèmes liés à l’humidité. L’accumulation de celle‑ci peut entraîner l’apparition de moisissures et le détriment hâtif des matériaux de construction. Étant donné les conséquences économiques et environnementales importantes liées aux problèmes de l’enveloppe, il convient de porter une attention particulière à l’étanchéité des zones de fuite d’air typiques, telles que les jonctions entre les murs, les plafonds, les fenêtres et les portes, ainsi qu’autour des ouvertures des installations électriques et de plomberie. En fait, un trou de 1 po2 dans l’enveloppe par lequel l’air peut s’infiltrer peut laisser passer jusqu’à 90 fois plus de vapeur d’eau que ce que la diffusion peut transporter au travers de 1 m2 de mur parfaitement étanche [1].

La compréhension et la prédiction des mouvements d’air et d’humidité dans l’enveloppe ne sont toutefois pas des tâches si simples. Le flux d’air à travers les petites ouvertures dans l’enveloppe est causé par une différence de pression entre les deux côtés de l’ouverture, et il n’est pas facile de quantifier ce flux ni son trajet. Une façon d’y arriver est le recours à la modélisation numérique. Il existe de nombreux programmes informatiques capables de simuler le comportement hygrothermique des matériaux de construction. Toutefois, ils sont souvent limités pour calculer simultanément le flux d’air à travers les fissures et la réponse hygrothermique qui en résulte [2]. Afin de modéliser correctement les effets hygrothermiques causés par les mouvements d’air, les conditions de température et d’humidité de l’air en mouvement doivent être considérées en fonction de la position et du temps.

Mon projet de maîtrise visait à résoudre cette lacune en développant un modèle numérique capable de prédire l’impact hygrothermique des infiltrations d’air dans un assemblage de mur préfabriqué. Le projet inscrit dans le cadre des activités de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) a été réalisé au département de génie mécanique de l’Université Laval, sous la direction du professeur Louis Gosselin et la codirection du professeur Pierre Blanchet.

Des essais en laboratoire pour valider le modèle numérique

Un modèle numérique a été utilisé pour prédire la réponse hygrothermique d’une jonction mur à mur d’une enveloppe de bâtiment préfabriquée. Aux fins de validation du modèle, les résultats numériques ont ensuite été comparés à des résultats expérimentaux. Des mesures expérimentales de la température et de l’humidité relative (HR) d’une jonction mur à mur préfabriquée légère ont été effectuées dans une unité d’essai climatique installée dans les laboratoires de sciences du bois du pavillon G.H. Kruger de l’Université Laval.

La Figure 1 montre l’équipement utilisé pour analyser la réponse hygrothermique de murs d’essai à échelle réelle dans des conditions contrôlées en laboratoire. Il se compose de deux chambres indépendantes, une représentant des conditions intérieures et l’autre des conditions extérieures, entre lesquelles est placé l’échantillon de mur à l’étude. La température, l’humidité relative et la pression peuvent être contrôlées pour créer les conditions désirées.

Figure 1. Unité d’essais climatiques utilisée pour les tests avec des murs de taille réelle.

L’échantillon de mur évalué avait une dimension de 2,4 x 2,5 mètres et une épaisseur de 178 mm. Il était formé des différentes couches suivantes, illustrées de gauche à droite à la Figure 2 : pare-air (ligne pointillée verte), panneau isolant en mousse, isolant en fibre de verre, montants en bois, panneau à lamelles orientées, pare-vapeur (ligne pointillée bleue). La résistance thermique (RSI) totale du mur est de 5,25. Notons que le mur à l’étude possède un nouveau système de jonction mur à mur développé et breveté [3] dans le but d’améliorer l’étanchéité à l’air des assemblages muraux typiques. Cette jonction est indiquée par la ligne pointillée rouge. Pour mesurer les échanges hygrothermiques et les flux d’air, plusieurs ensembles de huit capteurs de température et d’humidité ont été installés à quatre positions dans l’enveloppe, un exemple est présenté à la Figure 2. Les points rouges correspondent aux capteurs de température et les points bleus aux capteurs d’humidité. Les capteurs ont été placés dans le mur pendant le processus de fabrication.

Figure 2. Positionnement d’un ensemble des capteurs de température (rouge) et d’humidité (bleu) dans le mur. La ligne pointillée bleue représente la membrane pare-vapeur, la ligne pointillée verte la membrane pare-air et la ligne pointillée rouge la jonction verticale entre les deux murs.

Pour mesurer l’influence des infiltrations d’air dans l’enveloppe, le mur a été soumis à différentes conditions climatiques présentant des différentiels de pression, qui créaient un écoulement d’air du côté froid vers le côté chaud. La température et l’humidité relative mesurées aux surfaces de l’assemblage ont été utilisées comme conditions de frontière des simulations, donc les points étudiés sont ceux qui se trouvent à l’intérieur de l’assemblage. Le côté froid a été maintenu à -20 °C avec une humidité relative proche de zéro, tandis que les conditions du côté intérieur ont été maintenues à 20 °C et 40 % HR.

Les résultats

D’abord, l’effet des infiltrations d’air sur l’hygrothermie de l’enveloppe a été quantifié. La Figure 3 montre le profil de température de l’air dans l’espacement de l’infiltration lorsqu’il y a des infiltrations d’air et dans un cas où l’assemblage est parfaitement étanche. L’axe des x représente la longueur d’arc de la ligne pointillée rouge (voir la Figure 2). Il est possible de voir que le profil de température dans le cas avec les infiltrations est jusqu’à 5 °C plus bas à plusieurs endroits, ce qui augmente le risque de condensation et d’apparition de moisissures.

Figure 3. Température dans l’espacement d’air sans et avec infiltrations d’air quand il y a un différentiel de pression de 140 Pa.

Les simulations ont été utilisées pour déterminer si l’on a un modèle fiable pour quantifier l’effet hygrothermique des mouvements d’air. Les résultats obtenus sont encourageants. On constate que la différence moyenne entre les températures calculées et celles mesurées est de 1,67 °C avec un écart-type de 0,54 °C. Quant à l’humidité relative, la différence moyenne entre les résultats numériques et les mesures est de 10,72 % HR avec un écart-type de 3,54 %  HR. Le plus grand écart entre les résultats a été trouvé aux points près de la jonction. Ceci est causé par la proximité de la zone d’infiltration d’air.

Et maintenant?

Enfin, à la lumière de ces résultats, on constate que le modèle hygrothermique développé démontre un bon potentiel pour fonctionner comme un outil de prédiction de la réponse hygrothermique aux mouvements d’air dans les jonctions mur à mur. Les mesures prédites ont montré un bon accord avec les valeurs de température et d’humidité relative mesurées, malgré un faible écart pour certaines mesures. Le modèle numérique doit continuer à être validé, car il est encore possible de l’améliorer. La suite du travail consiste à augmenter la précision du modèle en calibrant les propriétés des matériaux de construction et la taille de l’ouverture de fuite d’air.

Références

[1]       APCHQ, L’abc de l’enveloppe des bâtiments dans le secteur résidentiel, 5e éd. Québec, Canada: APCHQ, 2017.

[2]       P. R. Boudreaux, J. R. New, S. S. Shrestha, M. B. Adams, et S. B. Pallin, « State-of-the-Art for Hygrothermal Simulation Tools », ORNL/TM–2017/92, 1407999, févr. 2017. doi: 10.2172/1407999.

[3]       P.-Y. Charest et F. Tremblay, « Exterior wall panel and exterior wall panel assembly », US 11,447,944 B2, U.S. Patent and Trademark Office, 20 septembre 2022

Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.

À propos de l'auteur

Leonardo Delgadillo Buenrostro

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