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Ne rien faire maintenant, c’est accentuer la crise de l’habitation

Écrit par Maxime Rodrigue

Actuellement, le Québec connaît une inquiétante baisse des mises en chantier résidentielles, un repli de 33 % en 2023, alors qu’il faudrait plutôt augmenter l’offre pour rétablir l’abordabilité. La situation est critique. Par conséquent, elle devrait capter l’attention de nos gouvernements, car après tout, se loger est un besoin essentiel. Et tout retard dans la mise en œuvre de mesures exceptionnelles pour renverser la situation contribuera à accentuer la hausse sur le coût du logement, à plomber la capacité de payer des familles et à aggraver la crise que nous vivons.

En septembre 2023, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) mettait à jour ses estimations du nombre de mises en chantier nécessaires pour rétablir l’abordabilité dans toutes les catégories de logements d’ici la fin de l’année 2030. Pour y arriver, le rapport évaluait qu’il faudrait augmenter le nombre de mises en chantier par année, qui est actuellement d’environ 40 000, à plus de 150 000. L’écart est gigantesque. Soulignons au passage que le record absolu de mises en chantier au Québec est de 74 179… en 1987.

Cette pénurie de logements ne se limite pas aux grands centres urbains, elle s’enracine partout sur le territoire du Québec. Actuellement, le taux d’inoccupation pour l’ensemble des petites, moyennes et grandes municipalités est à peine de 1,3 %, bien en dessous du 3 % jugé comme un minimum viable. Un autre élément qui contribue à mettre de la pression sur le locatif est le recul du taux de propriété. En effet, pour la première fois en au moins un demi-siècle, le taux de propriété a reculé au Québec. Il a baissé de 61,3 % à 59,9 % entre 2016 et 2021, loin derrière la moyenne canadienne de 66,5 %. Cette diminution des ménages accédant à la propriété engendre un effet domino sur la disponibilité des logements et sur les coûts de ceux-ci.

Les causes du déficit d’offres sont conjoncturelles et structurelles. Parmi celles-ci, il y a les taux d’intérêt élevés, les délais de réalisation, une fiscalité qui pénalise le développement et l’attractivité des investissements, le financement des infrastructures et des services dans les zones prioritaires de développement, la mise à niveau du parc de logements existants et le besoin de créer des milieux de vie complets et durables pour faire face aux défis climatiques.

Pour relancer les mises en chantier, augmenter l’offre de logements, favoriser des loyers économiques et réels plus abordables pour les locataires, de même que viabiliser financièrement davantage de projets, des acteurs de l’habitation demandent au gouvernement du Québec d’accorder le plein remboursement de la taxe de vente comme l’ont fait d’autres provinces, dont l’Ontario. Nous avons d’ailleurs commandé une étude à la firme GDA[1] pour évaluer les répercussions de la TVQ sur la construction d’immeubles locatifs. L’analyse démontre que le remboursement de la TVQ pourrait avoir un impact positif moyen de 7 % sur les taux de rendement et ainsi faire basculer des projets locatifs en développement de non rentables à rentables, une incidence bénéfique pour stimuler la construction de nouvelles unités. Dans la conjoncture actuelle, avec les niveaux de risques très élevés, les développeurs immobiliers sont incapables de rendre l’exercice mathématiquement positif. D’ailleurs, à la suite d’une consultation des membres de l’IDU, on constate que si l’on ajoute l’exemption de la TVQ à celle de la TPS notamment, c’est plus de 45 000 unités qui pourraient être mises en chantier dans la prochaine année pour le Grand Montréal seulement.

Faute d’aller de l’avant avec une telle mesure, le gouvernement du Québec confirmera un écart fiscal avec ses voisins, avec comme répercussion une perte d’attractivité pour les investisseurs extérieurs et une fuite de nos capitaux. Jusqu’à présent, la réponse du gouvernement du Québec a été que cette mesure fiscale était trop coûteuse, diffuse, indirecte et inefficace. À cela, nous pouvons demander combien il en coûtera de ne rien faire. Et si cette mesure était si inefficace, pourquoi l’Ontario et la Colombie-Britannique ont-ils décidé de l’appliquer, enregistrant au passage une hausse des mises en chantier en 2023 de 5 % à Toronto et de 28 % à Vancouver, pendant que Montréal affichait un recul de 37 % ?

Bien que la réalisation de 8 000 logements sociaux et abordables pour les cinq prochaines années découlant de la récente entente Canada-Québec est souhaitable, cela constitue, dans les faits, une réponse partielle à la crise, avec moins de 2 % des besoins totaux. Où sont les solutions du gouvernement du Québec pour relancer les chantiers qui permettront de construire les 98 % restants ?

Le prochain budget du gouvernement sera l’occasion d’envoyer un message que l’on reconnaît l’envergure de la crise et d’annoncer des mesures qui créeront les conditions favorables à la relance des mises en chantier résidentielles. À moins que nous souhaitions vraiment accentuer la crise de l’habitation pour de nombreuses années, ce budget doit donner l’élan nécessaire pour réduire les effets de cette crise en augmentant l’offre de logements le plus rapidement possible. Ne rien faire maintenant, c’est accentuer la crise de l’habitation !

Isabelle Melançon
Présidente-directrice générale
Institut de développement urbain du Québec

Maxime Rodrigue
Président-directeur général
Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec

Jean-François Arbour, ing.
Président
Association de la construction du Québec

Éric Sansoucy
Président du conseil d’administration
Corporation des propriétaires immobiliers du Québec


[1] https://www.idu.quebec/fr/nouvelles-idu/analyse-de-limpact-de-lautocotisation-sur-les-composantes-financieres-dun-projet-immobilier

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Maxime Rodrigue

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