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Quand l’offre de logements ne suffit plus

Écrit par Paul Cardinal

Trop peu de logements à louer

Depuis quelques années, les taux d’inoccupation des logements locatifs au Québec sont inférieurs à 3 %, un taux généralement considéré comme celui d’un marché équilibré, et ce, malgré l’effervescence de la construction locative. En octobre 2020 (1), ce taux s’élevait à 2,4 % à l’échelle provinciale. Alors que le manque de logements locatifs semble moins sévère dans les grands centres comme Montréal et Québec, dont les taux d’inoccupation s’élèvent à 2,7 % chacun, la situation est plus préoccupante dans plusieurs centres urbains de plus petite taille. Par exemple, des agglomérations telles que Granby, Marieville, Joliette, Alma, les Îles-de-la-Madeleine, Mont-Laurier, Rawdon, Rimouski, Sainte-Marie, Saint-Georges, Saint-Hyacinthe et Val-d’Or affichaient des taux d’inoccupation faméliques de moins de 1 %. De manière générale, c’est en dehors des grands centres qu’il manque le plus de logements locatifs.

Manque criant de propriétés à vendre

En ce qui a trait au marché de la revente, le nombre de propriétés inscrites sur le réseau Centris n’a jamais été aussi faible. Dans la très grande majorité des centres urbains, ce sont les vendeurs qui ont nettement le plus gros bout du bâton lors des négociations. Au cours du troisième trimestre de 2021, malgré un repli des ventes de 30 % par rapport à la même période l’an passé (2), le rapport entre l’offre et la demande est loin de s’être équilibré, au contraire. Le nombre de mois d’inventaire, qui est le nombre de mois nécessaires à l’écoulement de toutes les propriétés à vendre (en supposant que le rythme des ventes des douze derniers mois se maintient), est l’indicateur idéal pour s’en rendre compte (3).

Au troisième trimestre de 2021, à une ou deux exceptions près, tous les marchés étaient à l’avantage des vendeurs. Ainsi, les vendeurs peuvent se permettre d’exiger des prix élevés, au grand dam des acheteurs. La surchauffe du marché immobilier, caractérisée par les offres multiples, la surenchère et l’envolée des prix que l’on connaît, est le résultat d’une offre insuffisante. Il faut un plus grand stock de propriétés à vendre pour diminuer l’effet de rareté et éventuellement rééquilibrer le marché et calmer les hausses de prix. Pour y arriver, il faut augmenter l’offre, ce qui implique nécessairement de construire davantage.

Un déficit structurel de 40 000 à 60 000 habitations

Dans l’un de nos Bulletins de l’habitation (4), nous avons estimé le nombre d’habitations manquantes à la fin de 2020 afin de rééquilibrer le marché locatif ainsi que le marché de la revente (propriétaires-occupants) (5). Au total, nous avons évalué qu’il manquait entre 40 000 et 60 000 habitations au Québec, surtout des habitations pour propriétaires-occupants (unifamiliales et copropriétés). Ce déficit pourrait bien sûr être comblé en augmentant l’offre, c’est-à-dire principalement en accélérant le rythme des mises en chantier (6).

Notons finalement que nous n’avons parlé jusqu’ici que d’habitations du marché privé. Mais il manque aussi manifestement de logements sociaux au Québec. La Société d’habitation du Québec (SHQ) a identifié (7) qu’au 31 décembre 2020, il y avait un peu plus de 37 000 ménages en attente d’un HLM public ou d’un supplément au loyer régulier. Le déficit d’habitations est par conséquent encore bien plus élevé.

Dans le cadre des consultations prébudgétaires 2022-2023, l’APCHQ recommande au gouvernement du Québec d’accélérer la construction résidentielle pour contrer la pénurie d’habitations et la surchauffe des prix sur le marché immobilier en :

  • Bonifiant le remboursement de TVQ pour les habitations neuves. Actuellement, il existe un remboursement partiel de la TVQ de 50 % du montant payé lorsque le prix de l’habitation et du terrain ne dépasse pas 200 000 $. La proportion du montant remboursé diminue ensuite et devient nulle lorsque le prix dépasse 300 000 $. Ces montants sont aujourd’hui complètement dépassés. Il est de plus en plus rare de trouver une maison ou un appartement neuf de moins de 300 000 $, surtout dans des régions comme Montréal. L’APCHQ pense qu’il serait temps de hausser la limite d’admissibilité, au moins jusqu’à 450 000 $, comme le pendant fédéral de ce crédit.
  • Harmonisant les remboursements de TVQ pour les habitations neuves et les habitations locatives neuves. Il serait injuste que le locatif neuf ne puisse pas profiter des mêmes remboursements de taxes que la propriété neuve, puisque dans les deux cas, il s’agit de se loger. La meilleure façon d’établir l’équité serait de cesser cette distinction.
  • Finançant mieux les logements sociaux et abordables. Notre parc de logements sociaux et abordables est en mauvais état. De par leur vocation, les loyers exigés pour ce type de logement sont trop bas pour être rentables pour les locateurs. L’aide gouvernementale est donc nécessaire pour combler le manque à gagner, mais malheureusement, elle semble insuffisante. D’une part, il y a un déficit d’entretien du parc existant et, d’autre part, il faudrait construire plusieurs milliers de nouveaux logements. Faute de financement adéquat, certaines municipalités exigent maintenant des promoteurs qu’ils prennent à leur charge la construction de nouvelles unités de logements sociaux et abordables ou, à défaut de le faire, de payer une compensation, qui est en fait une taxe. Mais au bout du compte, ce sont les acheteurs d’habitations neuves qui en paient la note en payant en retour plus cher les logements « du marché ». De telles politiques soulèvent un enjeu d’équité et surtout exacerbent le problème d’abordabilité dans le marché. Un financement public adéquat du logement social et abordable deviendrait un outil de développement du volet privé.
(1) La SCHL n’a pas encore publié les résultats de son enquête sur les logements locatifs d’octobre 2021.
(2) Source : Baromètre du marché immobilier, 3e trimestre de 2021, APCIQ.
(3) Si le nombre de mois d’inventaire est supérieur à 10, c’est un signe que les acheteurs ont l’avantage, s’il est entre 8 et 10, il y a un équilibre entre vendeurs et acheteurs et s’il est inférieur à 8, le marché favorise les vendeurs. (4) « La solution à la surchauffe du marché immobilier : s’attaquer au déséquilibre en augmentant l’offre », Bulletin de l’habitation, APCHQ, septembre 2021.
(5) C’est-à-dire de ramener le taux d’inoccupation de logements locatifs à 3 % et le ratio inscriptions/ventes (ou le nombre de mois d’inventaire) entre 8 et 10 sur le marché de la revente.
(6) Les autres options sont de convertir des immeubles existants ayant une autre vocation en immeubles résidentiels, ou encore de subdiviser des habitations existantes (créer un logement accessoire dans une maison unifamiliale en est un exemple).
(7) L’habitation en bref 2021, Société d’habitation du Québec. (8) Selon le rapport d’activités de 2020-2021 de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ), il y a à Montréal 10 000 logements HLM en très mauvais état. La FLHLMQ a aussi estimé que le déficit d’entretien des HLM du Québec est d’environ 2 milliards de dollars.

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Paul Cardinal

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