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L’optimisation multi-objectif pour tendre vers des bâtiments plus performants

La conception d’un bâtiment nécessite la prise de décisions complexes et successives. Les solutions possibles sont énormes. Trop souvent, le coût et le temps de fabrication sont des critères dominants, mettant dans l’ombre d’autres fonctions toutes aussi primordiales comme la performance énergétique, l’esthétisme, le bilan carbone, le confort, etc.

Dans le meilleur des mondes, un bâtiment serait conçu de façon à optimiser l’ensemble de ces fonctions. Alors qu’il est relativement facile d’optimiser une conception en tenant compte d’un seul critère, la tâche se complexifie drôlement lorsque l’on tente d’en optimiser plusieurs en même temps.

L’optimisation multi-objectif permet de surmonter ce défi et fait partie des méthodes de conception reconnues par les scientifiques pour son fort potentiel d’amélioration de la durabilité des bâtiments résidentiels et commerciaux. Son utilisation dans le secteur de la construction reste marginale. C’est avec l’objectif de développer et d’évaluer une méthodologie facilitant la conception optimisée de bâtiments à hautes performances énergétiques et environnementales que Richard Gagnon a conduit son projet de doctorat à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois de l’Université Laval. Réalisé en génie mécanique sous la direction du professeur Louis Gosselin et sous la co-direction de Stéphanie Armand Decker de l’Institut Nobatek-INEF4 à Bordeaux en France, le projet a été complété à l’automne 2018.

L’impact d’une conception intégrée

La littérature reconnaît que le choix du processus de conception peut être un obstacle à l’atteinte de hautes performances énergétiques et environnementales.
Un des volets du doctorat de M. Gagnon a cherché à valider cette information en comparant la performance de deux modes de conception dans un contexte d’optimisation multi-objectifs, le processus de conception traditionnel (PCT) et le processus de conception intégrée (PCI).

Le PCT est la pratique courante du secteur. La conception se fait étape par étape et les différents éléments du bâtiment sont traités indépendamment. Les architectes déterminent la géométrie du bâtiment, optimisent son éclairage, divisent les pièces, etc. Les ingénieurs mécaniques partent de ce point pour évaluer la demande en énergie et pour dimensionner le système de chauffage, ventilation et air climatisé (CVAC). L’entrepreneur planifie ensuite la séquence de construction. Toutes ces parties prenantes travaillent en silo, les unes après les autres, dans un processus itératif souvent inefficace. Chacun optimise à sa façon les fonctions et processus qui le concerne (coûts, performance énergétique, esthétisme, confort thermique, simplicité d’exécution des travaux, etc.).

Le PCI rassemble quant à lui les différentes parties prenantes dès le début du projet de conception afin qu’elles déterminent ensemble les critères de performances du projet. La conception tend à être assurée en utilisant des logiciels de type BIM de façon à ce que tout le monde travaille sur une même plateforme simultanément. Dans un PCT, les variables de conception sont fixées séquentiellement alors que dans un PCI, cela se fait simultanément.

C’est via l’étude de cas d’un bâtiment résidentiel que l’étudiant a comparé par simulation numérique la performance de ces deux modes de conception. Avec l’approche intégrée, 39 variables de conception reliées à l’architecture du bâtiment ainsi qu’aux choix et dimensionnement des systèmes CVAC ont été optimisées simultanément. Dans l’approche séquentielle, les variables architecturales ont d’abord été traitées afin d’optimiser l’impact environnemental, le coût et le confort du bâtiment. Les solutions optimales résultantes ont alors été sélectionnées pour la deuxième phase d’optimisation qui a focalisé sur des paramètres relatifs aux systèmes de chauffage.

Les résultats obtenus démontrent que l’optimisation holistique fait émerger une quantité plus importante de solutions en plus d’être beaucoup plus rapide que l’approche séquentielle. Avec seulement 100 heures de temps de calcul, l’approche holistique a mis en lumière 59 % des solutions optimales alors qu’il a fallu
765 heures pour trouver 41 % des solutions optimales avec l’approche séquentielle. Parmi les solutions optimales obtenues par ces deux approches, la majorité des choix quant aux systèmes de chauffage repose sur une pompe à chaleur (47 %) ou bien sur des radiateurs électriques (35 %), alors que les chaudières à gaz naturel n’ont représenté que 18 % des solutions. Au niveau de l’enveloppe, les matériaux à base de bois ont quant à eux dominé les solutions. En effet, 97 % des solutions utilisent soit une structure en ossature légère, soit une structure avec CLT ou soit une double ossature en bois avec cellulose entre les cavités. Ces enveloppes ont un coût compétitif par rapport aux autres types (e.g. blocs de béton avec couche d’isolation) tout en ayant un impact environnemental beaucoup moins élevé.

Enfin, cette comparaison a mis en lumière l’importance d’adopter une vision holistique lors de la conception de bâtiment en démontrant les effets négatifs et irréversibles d’une prise de décision dès les phases préliminaires de conception. En faisant appel au PCI plutôt qu’à un PCT, on augmente les chances de succès d’un projet en matière d’efficacité énergétique, de réduction des coûts, d’amélioration du confort et de la performance environnementale.

Figure 1 – Performances relatives des solutions, exprimées en émissions de GES reliés à la consommation énergétique du bâtiment et aux matériaux de construction. Les solutions les plus proches de l’axe des X, qui utilisent des enveloppes en bois ou en CLT, sont les plus intéressantes puisqu’elles présentent une plus faible empreinte environnementale tout en offrant d’intéressantes propriétés isolantes.

Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.

À propos de l'auteur

Myriam Drouin et Richard Gagnon

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