Les malfaçons réfèrent à des défauts mineurs d’une construction. Bien qu’elles ne compromettent pas la solidité d’un ouvrage, elles peuvent nuire à la performance globale d’un bâtiment. En effet, l’enveloppe du bâtiment est une barrière qui offre une résistance à l’air, à la chaleur, au bruit, à la lumière et à l’eau, et la présence de ces malfaçons affecte à différents degrés la performance de cette barrière.
Dans le cadre de son projet de doctorat réalisé à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois à l’Université Laval, Jeremy Piggot a cherché à mieux comprendre l’impact de malfaçons courantes sur la performance d’une enveloppe de bâtiment. Plus précisément, il a évalué l’impact de quatre malfaçons sur la performance hygrothermique et l’étanchéité à l’air d’une enveloppe en ossature légère en bois. Les quatre malfaçons courantes investiguées étaient des trous dans le pare-intempérie, des agrafes dans le pare-vapeur et pare-air, des clous dans l’isolation extérieure et des espacements entre les éléments structuraux. Ces défauts sont illustrés à la Figure 1a, 1b, 1c et 1d respectivement.
FIGURE 1
Afin d’évaluer l’impact de ces malfaçons sur la performance d’enveloppes de bâtiments, des tests expérimentaux ont été réalisés sur un échantillon de mur à échelle réelle (288 × 273 × 19 cm) dans les laboratoires de génie du bois du pavillon Gene-H.-Kruger de l’Université Laval. Dans ce projet, le mur d’essai était composé d’une structure en ossature légère en bois conçue pour répondre aux exigences de la norme Novoclimat 2.0. De l’extérieur vers l’intérieur, l’échantillon de mur était composé d’une membrane Tyvek servant de pare-intempérie, d’un isolant en polystyrène extrudé (XPS) de 38 mm, d’un OSB de 11 mm d’épaisseur, d’un isolant en laine de verre et d’une membrane en polyéthylène qui joue le double rôle de pare-air et pare-vapeur. La structure a été assemblée à l’aide de clous (85,2 × 3,05 mm). La résistance thermique effective de l’échantillon était de 4,18 m2K/W.
Des tests successifs ont été réalisés pour mesurer l’impact des quatre malfaçons à l’étude sur la performance hygrothermique et l’étanchéité à l’air du mur, et ce, pour différents degrés de sévérité des malfaçons. Le Tableau 1 présente, en ordre, la série de tests réalisés. L’échantillon du test 1 ne présentait aucun défaut et ne comportait qu’une jonction verticale du polyéthylène, recouverte d’un ruban adhésif de construction standard et alignée sur le mur. Les échantillons 2 à 4 ont permis d’évaluer l’impact des trous dans la membrane pare-intempérie. Trois trous carrés ont été faits dans la membrane et chaque trou a été successivement agrandi de 1 cm³ à 3 cm³, puis de 3 cm³ à 6 cm³. Les échantillons 5 à 9 ont servi à évaluer l’impact de la présence de 1 à 12 agrafes de 10 mm dans le polyéthylène. Les tests de 9 à 12 ont évalué l’impact de la présence de 1 à 12 clous dans l’isolation extérieure en polystyrène extrudé. Enfin, le test 13 a permis d’étudier l’impact d’un espacement de 6 mm entre les éléments structuraux en ossature légère.
Transferts de chaleur et d’humidité
Les mesures de transferts de chaleur et d’humidité ont été réalisées dans une unité d’essai climatique. Cet équipement de laboratoire permet de mesurer, sous conditions contrôlées, le comportement hygrothermique de murs d’essais à échelle réelle. L’unité d’essai climatique se compose de deux chambres indépendantes dans lesquelles on peut contrôler la température, l’humidité relative et la pression. Une de ces chambres représente des conditions intérieures et l’autre des conditions extérieures. Dans ce projet, l’échantillon de mur à l’essai, placé entre ces deux chambres, a été doté de capteurs d’humidité, de température et de flux de chaleur. La Figure 2 présente l’emplacement de ces capteurs. Une série a été placée dans une section de mur isolée et l’autre dans une section vis-à-vis une jonction de la structure en bois.
FIGURE 2
Les chambres climatiques ont été configurées pour générer des conditions hivernales typiques de la province de Québec. Pour simuler les conditions hivernales, les températures intérieure et extérieure ont été fixées à 20 ◦C et – 20 ◦C, tandis que l’humidité relative intérieure et extérieure a été fixée à 40 % et 50 %, respectivement.
Les tests ont permis d’étudier les variations de température et d’humidité relative dans les différentes couches du mur à l’essai, vis-à-vis la structure et l’isolant, et ce, pour les différentes malfaçons à l’étude. Ces essais ont permis de conclure à des impacts plus importants de ces malfaçons vis-à-vis la structure en bois que l’isolant. De plus, ces défauts ont eu un impact plus important sur l’humidité relative dans l’enveloppe que sur la température des différents éléments (Figure 3).
L’espacement entre les éléments structuraux à la jonction des murs est la malfaçon qui a entraîné le plus grand impact sur ces paramètres. Elle a entraîné une baisse de température vis-à-vis le cadre de 1,2 ◦C et 1,4 ◦C, sur la face interne et externe du panneau OSB respectivement. Cette malfaçon a aussi entrainé la plus grande augmentation d’humidité relative dans l’enveloppe, avec une augmentation maximale de 24,5 % par rapport au mur sans défaut. Les clous dans l’isolant extérieur ont été la malfaçon ayant par la suite le plus d’impact sur cette humidité relative, suivis respectivement par les agrafes dans la membrane en polyéthylène et les trous dans le pare-intempérie.
FIGURE 3
Ponts thermiques et fuites d’air
Le projet a également étudié les ponts thermiques et les fuites d’air dans le mur à l’essai grâce à la thermographie. Les essais ont été effectués avec un différentiel de température de 40 ◦C entre les deux chambres, et pour deux conditions de pression. Dans un premier temps, les mesures de température de surface ont été effectuées avec une caméra thermographique sans aucune différence de pression (0 Pa). Dans un deuxième temps, une pression négative de 50 Pa a été appliquée à l’aide de l’équipement de pression du vent dans la chambre climatique externe jusqu’à ce que l’infiltration d’air refroidisse la surface interne de l’échantillon aux points où les fuites d’air sont les plus importantes. Une fois la surface interne refroidie, la thermographie a été reprise. Ce processus a été répété pour chaque défaut de construction évalué et les résultats obtenus sont présentés aux figures ci-dessous.
La Figure 4 présente un aperçu de l’impact des agrafes dans le pare-vapeur. On y constate qu’à pression normale (Figure 4b), l’impact est faible. Toutefois, lorsqu’une pression négative de 50 Pa est appliquée (Figure 4c), on y observe une influence des agrafes sur la température de la membrane en polyéthylène, qui diminue d’environ 4,5 %.
FIGURE 4
Les figures suivantes présentent les résultats de l’analyse thermographique vis-à-vis la jonction de la structure, pour le mur sans défaut (Figure 5) et pour le mur avec une séparation (Figure 6). On y constate d’une part, que même sans défaut de séparation dans la structure, la jonction de la structure entraîne un pont thermique qui diminue la température vis-à-vis la structure, en comparaison à la section isolée, et ce, surtout dans le bas du mur. Cette perte thermique est amplifiée (en c) lorsqu’on ajoute une pression d’air négative. En présence d’un espace de 6 mm entre les montants de la structure, le pont thermique observé est amplifié avec une diminution de la température allant jusqu’à 8 °C.
FIGURE 5
FIGURE 6
Les tests de thermographie pour mesurer l’impact des trous dans l’isolant extérieur et le pare-intempérie ont été réalisés seulement à pression normale, puisque les mesures devaient être prises du côté extérieur du mur. On constate d’une part que la présence de trous de différentes tailles dans le pare-intempérie diminue la température de la membrane, et plus le trou est grand, plus cette baisse de température est importante. D’autre part, l’impact est plus important vis-à-vis la structure que l’isolant. Pour les trous de 3 cm², on remarque une baisse de température d’environ 4 °C vis-à-vis la structure en comparaison à environ 1,5 °C vis-à-vis l’isolant. Pour ce qui est de l’impact des trous dans l’isolant extérieur, on estime que la présence de trous a généré des baisses de température ponctuelles allant jusqu’à 11,3 °C.
Étanchéité à l’air
L’étanchéité à l’air du mur à l’essai a été évaluée. La mesure du débit d’air de l’échantillon a été possible en fixant la face extérieure du mur à la chambre climatique externe. La face interne du mur a été scellée à l’intérieur d’une boîte d’essai. Cette boîte d’essai comporte une entrée d’air, qui permet d’injecter de l’air sous pression sur la surface du mur, et une sortie d’air connectée à un manomètre. Les essais ont été effectués à différentes pressions positives : 300, 250, 150, 100, 75 et 50 Pa, conformément à la norme ASTM E2357-18[1].
Pour ces études d’étanchéité à l’air uniquement, une mesure de référence initiale (REF) a été ajoutée à la référence FRJ. La différence entre REF et FRJ est que REF a une couche de polyéthylène continue, alors que dans FRJ la couche de polyéthylène est modifiée pour avoir une jonction verticale à recouvrement de polyéthylène. Ces deux mesures de référence (sans défauts de construction) ont permis d’évaluer l’influence de la jonction verticale du polyéthylène sur l’étanchéité à l’air de l’échantillon de mur.
La Figure 7 présente les résultats du test d’étanchéité à l’air pour les murs de référence et pour chaque défaut de construction. Les deux murs de référence sont l’assemblage de murs avec une couche continue de polyéthylène (REF) et l’autre avec une jonction de polyéthylène chevauchée au milieu (FRJ). L’étude REF a été la plus étanche à l’air de toutes les études réalisées (19,4 l/min à 300 Pa), car la membrane en polyéthylène était une couche continue. La courbe du mur FRJ montre qu’une jonction chevauchée de polyéthylène peut augmenter le débit d’air de 1,8 l/min à 75 Pa et de 8,1 l/min à 300Pa, même si le mur ne présente aucun défaut de construction.
Les trous dans le pare-intempérie
(OWB) n’ont pas généré de variation notable des fuites d’air, alors que les
clous dans l’isolation extérieure (NEI) ont généré une augmentation mineure de
0,7 l/min à 300 Pa par rapport à la référence sans défaut (FRJ). L’espacement
dans la structure en bois de 6 mm (SFJ) et les agrafes dans la membrane en
polyéthylène (SVB) sont les malfaçons qui ont généré une augmentation plus
importante des fuites d’air, atteignant des niveaux de 32,3 l/min et 40,8 l/min
(2,1 fois plus élevé que le REF), respectivement.
FIGURE 7
Conclusion
Enfin, ce projet de recherche a documenté comment la présence de défauts de construction peut affecter la performance théorique d’un bâtiment pour le système de murs à ossature bois analysé dans cet article. Les résultats ont démontré que tous les défauts réduisaient jusqu’à un certain point les performances hygrothermiques de l’enveloppe à ossature bois. Les séparations structurelles et les agrafes sur la membrane en polyéthylène ont causé les variations négatives les plus importantes, augmentant considérablement les pertes de chaleur, la probabilité de condensation interstitielle et l’infiltration d’air.
Ces résultats nous rappellent l’importance de toutes les étapes d’un projet de construction sur la performance globale d’un bâtiment. La conception aura beau être irréprochable sur les plans, l’incorporation de malfaçons lors de la phase de construction entraînera à la baisse la performance du bâtiment, et ce, pour toutes les années pendant lesquelles le bâtiment sera occupé. En plus des impacts sur le confort des occupants, ces malfaçons augmentent la consommation énergétique du bâtiment. Ainsi, accroître les efforts pour réduire les malfaçons lors de la construction s’avère un levier non négligeable pour réduire l’impact environnemental du secteur. L’auteur suggère qu’une meilleure supervision et qu’un meilleur contrôle de la qualité permettraient de réduire ces impacts et d’améliorer la performance des bâtiments dotés d’enveloppes en bois comme celui analysé dans cet article.
Pour tout savoir, vous pouvez consulter l’intégralité des résultats publiés dans le journal Building and Environment.
[1] https://www.astm.org/e2357-18.html
Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.