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Enquête sur l’étanchéité à l’air : des résultats surprenants

Écrit par Marco Lasalle

Ce n’est plus un mystère pour personne : on ne peut pas parler d’efficacité énergétique sans parler d’étanchéité à l’air. Au Québec, le Code de construction  n’a aucune exigence de performance quant à l’étanchéité à l’air minimale exigée pour les bâtiments neufs.

À quelques exceptions près, seuls les bâtiments enregistrés dans des programmes d’efficacité énergétique comme Novoclimat, LEED ou Passivhaus font l’objet de tests d’infiltrométrie. En ce qui concerne les autres, on ne sait pas trop ce qui se passe…

Il faut savoir que nous sommes conscients de l’importance de l’étanchéité à l’air depuis peu. Bien que l’homme s’abrite depuis l’âge des cavernes, les concepts des couches essentielles à l’enveloppe du bâtiment ont évolué très lentement. Au départ, l’habitat servait à conserver la chaleur, à nous garder à l’abri des intempéries et à nous protéger des prédateurs. Ce n’est qu’au siècle dernier que nous avons compris qu’il fallait protéger l’enveloppe du bâtiment contre la migration de l’humidité. Il y a alors eu l’ajout d’un matériau retardateur de vapeur du côté chaud de l’enveloppe. À ce moment, nous ne comprenions pas l’importance de contrôler le passage de l’air.

Même au début des années 80, lorsque le Règlement sur l’économie de l’énergie dans les nouveaux bâtiments est entré en vigueur, nous pensions qu’il suffisait d’ajouter de la laine pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Nous sommes alors passés de compositions en 2 x 4 avec un retardateur de vapeur en papier de plomb à une composition en 2 x 6 avec ce même retardateur. Rien n’était scellé… jusqu’aux années 90. D’ailleurs, une étude1 réalisée en 1997 par Ressources naturelles Canada illustre très bien ce phénomène.

Comment fonctionne un test d’infiltrométrie?


Un puissant ventilateur est installé à la place d’une porte extérieure. Ce ventilateur expulse l’air intérieur du bâtiment vers l’extérieur, jusqu’à ce qu’une différence de pression égale à 50 Pascal (Pa) s’exerce sur l’enveloppe. Lors de cette opération, tous les points faibles du système d’étanchéité à l’air permettent à l’air extérieur de pénétrer dans le bâtiment. Le technicien calcule la quantité d’air qui a pénétré dans le bâtiment. Le résultat s’exprime en changement d’air à l’heure (CAH). Cela indique le nombre de fois qu’un volume d’air équivalent à celui que contient le bâtiment est passé à travers l’enveloppe en une heure lorsqu’il y a une différence de 50 Pa. Plus le chiffre est bas, meilleure est la performance du système d’étanchéité à l’air. Plus le chiffre est haut, plus faible est la performance du système d’étanchéité à l’air.

Une autre étude réalisée par le Conseil national de recherches Canada (CNRC) illustrait le changement avec un échantillonnage de 30 maisons construites en 1994 dans la région de Trois-Rivières, qui indiquait une moyenne de changement d’air à l’heure de 4,77.

C’est d’ailleurs à partir des années 90 qu’un nouvel élément essentiel a fait son apparition l’échangeur d’air. C’est à cause de la performance significative des systèmes d’étanchéité à l’air que la formation de condensation excessive apparaissait sur les surfaces froides. Les maisons qui autrefois étaient sèches sont alors devenues trop humides.

Pourquoi cette amélioration si fulgurante?

Il est difficile d’établir une cause précise. L’utilisation massive de matériaux plus performants est évidemment l’une des raisons de cette amélioration. C’est à cette période que le papier de plomb et le papier kraft ont été substitués par les pellicules de polyéthylène. En plus d’être étanches à l’air, ces pellicules possèdent de larges rouleaux, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre de joints… et de fuites! La main-d’œuvre a également un rôle à jouer dans ce progrès. Le scellement systématique de plusieurs éléments dans l’enveloppe par les ouvriers ne pouvait que bonifier le résultat.

À noter…
Une maison étanche à l’air a besoin d’un système d’échangeur d’air performant.
L’un ne va pas sans l’autre. À l’inverse, il n’y a pas vraiment d’avantages à installer un échangeur d’air dans une vieille maison non étanche à l’air.

Qu’en est-il, 25 ans plus tard, avec l’expérience Novoclimat et l’intégration de l’efficacité énergétique au Code de construction?

Pour obtenir un portrait de la situation, le Service technique de l’APCHQ a procédé à des tests d’infiltrométrie sur un échantillon de 24 bâtiments unifamiliaux neufs, qui n’étaient pas encore habités. À cette fin, nous avons choisi des maisons modèles qui étaient terminées (prêtes à être livrées).

Afin de nous assurer qu’aucune attention particulière n’ait été portée par les entrepreneurs dans le but d’obtenir de meilleurs résultats, nous avons sélectionné les maisons, et nous avons communiqué avec les entrepreneurs uniquement après que les tests ont été complétés.

Les tests d’infiltrométrie ont été effectués selon la norme CAN / CGSB-149.10-M86. Il s’agit de la même méthode que celle pour les bâtiments dotés d’une cote énergétique Energuide ou pour le programme Novoclimat. Les tests d’infiltrométrie ont été effectués alors que les bâtiments étaient prêts pour la livraison. Contrairement au programme Novoclimat dont les tests sont faits avec l’installation des revêtements extérieurs et du revêtement de gypse, les finis intérieurs et extérieurs étaient installés lors de nos tests.

Puisque les méthodes de construction varient d’une région à l’autre (matériaux utilisés, techniques d’assemblage…), nous avons effectué des tests dans plusieurs régions : Gatineau, région métropolitaine (Rive-Nord, île de Montréal, Rive-Sud et Suroît) ainsi qu’en Estrie. Le parc immobilier de l’échantillonnage était constitué de bungalows et de cottages. Il y avait des maisons isolées, des jumelées et même en rangée.

Les fenêtres coulissantes triples constituent un élément de faiblesse récurrent.

Des résultats prévisibles… et des surprises!

Sans grande surprise, les résultats étaient nettement plus performants que ceux pour les études précédentes, nos résultats se situant dans une fourchette allant de 0,63 CAH à 3,51 CAH.

Taux de nombre de CAH bâtiments

  • Moins de 0,5 CAH 0
  • Entre 0,51 et 1,0 CAH 1
  • Entre 1,1 et 1,5 CAH 5
  • Entre 1,6 et 2,0 CAH 5
  • Entre 2,1 et 2,5 CAH 4
  • Entre 2,6 et 3,0 CAH 6
  • Entre 3,1 et 3,5 CAH 1
  • Plus de 3,6 CAH 1

La moyenne pour tous les types de bâtiments est de 2,06 CAH. Sachant que la première mouture de Novoclimat demandait une performance de 2,5 CAH et moins, le résultat des entrepreneurs membres de l’APCHQ est très satisfaisant. Deuxième élément prévisible, les bâtiments possédant un mur mitoyen avec un autre bâtiment ont un peu moins bien performé.

  • Moyenne – Maison jumelée : 2,51 CAH
  • Moyenne – Maison non jumelée : 2,16 CAH

Du point de vue régional, aucun secteur ne dépasse la moyenne de 2,5 CAH. Les régions de Gatineau et de l’Estrie se démarquent de la région métropolitaine, qui fait tout de même bonne figure.

Région CAH à 50 Pa

  • Outaouais : 1,96
  • Rive-Nord : 2,40
  • Estrie : 1,46
  • Rive-Sud, île de Montréal et Suroit : 2,43
  • Total : 2,06

En ce qui concerne les surprises, les ceintures de rive arrivent au premier rang. Alors que l’ensemble des entrepreneurs de toutes les régions du Québec ont opté pour isoler les ceintures de rive à l’aide de polyuréthane, qui permet à lui seul d’offrir une bonne performance thermique, une étanchéité à l’air continue et une protection contre la migration de la vapeur d’eau, la région de l’Outaouais performe mieux que la moyenne provinciale en employant seulement de la laine minérale et un polythène en guise de pare-vapeur. Puisque le polythène employé pour les rives ne sert qu’à retarder la diffusion de vapeur dans l’enveloppe et ne contribue pas à l’étanchéité à l’air à cet endroit, il n’y est qu’agrafé, et non scellé.

Composition taux de CAH

  • Moyenne avec rive en uréthane : 2,53
  • Moyenne avec rive en laine : 2,03

Attention aux conclusions hâtives. Cela ne veut pas dire qu’un polythène non scellé est plus performant qu’un isolant giclé. Toutefois, cela illustre que la composition des rives d’aujourd’hui, faite de bois d’ingénierie qui ne présente pas de retrait et qui est combinée à des garnitures « d’éthafoam », offre une continuité très intéressante pour obtenir un système d’étanchéité à l’air performant. En matière de système d’étanchéité à l’air performant, ce n’est pas tant la qualité des matériaux utilisés qui compte, mais bien le soin que l’ouvrier applique lors de leur assemblage.

Plusieurs des éléments qui constituaient les points de fuite du système pare-air étaient des éléments préfabriqués. Par exemple, les clapets de sortie de sécheuse, les extracteurs de salle de bain et les hottes de cuisinière étaient souvent de bonnes sources d’infiltration d’air. Le test démontre bien qu’il y a une différence significative entre un clapet en plastique à 5 $ et un clapet métallique avec contrepoids sur la trappe à 25 $.

Les fenêtres coulissantes de sous-sol étaient également un élément de faiblesse récurrent lors de nos tests, particulièrement les fenêtres coulissantes triples. En ce qui concerne la mise en place chantier, la principale faiblesse était derrière l’entrée électrique. L’industrie aurait avantage à revoir l’étanchéité à l’air de la pénétration du mât électrique. Autre élément surprenant : de manière générale, ce n’est pas au niveau des murs hors sol que nous avons remarqué les principales infiltrations d’air, mais plutôt à travers les éléments pénétrant les dalles de sous-sol.

Malgré l’installation des membranes pare-gaz en polyéthylène sous les dalles, des infiltrations d’air étaient perceptibles au niveau des percements pour la plomberie sous dalle. Une infiltration d’air par cette zone peut être plus problématique que pour les murs hors sol, car elle peut aspirer du radon à l’intérieur du bâtiment. Il s’agit donc d’une nouvelle problématique à laquelle il faut s’attarder

La formation, plus nécessaire que jamais

Nous avons profité de nos inspections pour interroger les responsables des travaux des bâtiments à l’étude. Non seulement nous nous intéressions aux résultats, mais nous voulions également mesurer le niveau de connaissances des responsables en matière d’enveloppe du bâtiment. Le résultat est plutôt décevant. La moitié de ceux ayant accepté de répondre à ces questions n’ont pas été en mesure de nous indiquer à quel endroit leur système d’étanchéité à l’air était situé dans l’enveloppe.

Pour ce qui est de la moitié ayant bien répondu, le délai de réponse ainsi que le peu d’assurance dans leur timbre de voix portent à croire qu’ils ont obtenu la bonne réponse en choisissant parmi les options possibles. C’est donc dire que le résultat chantier est bon, mais que les connaissances devraient être mises à jour. Après tout, un entrepreneur ayant obtenu sa licence dans les années 80, par exemple, n’a jamais eu à suivre de formation continue. L’étanchéité à l’air n’était pas un concept appliqué à cette époque, pourtant pas si lointaine.

C’est pour cette raison que l’APCHQ fait des représentations afin de rendre la formation continue obligatoire pour les détenteurs de licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).

Qu’est-ce qu’un système d’étanchéité à l’air d’une maison?

Le système d’étanchéité à l’air est une combinaison de matériaux durables, imperméables et étanches à l’air que l’on intègre à l’enveloppe d’un bâtiment en l’assujettissant à son ossature pour envelopper complètement et de façon continue le volume intérieur conditionné du bâtiment (formé par les plafonds, les murs extérieurs, les portes, les fenêtres, les murs de fondation et les planchers), et pour résister au mouvement de l’air entre l’intérieur et l’extérieur. Tout système pare-air doit être scellé et continu pour être efficace. Le système d’étanchéité à l’air peut être situé à l’intérieur (ex. : avec une pellicule de polyéthylène scellée), à l’extérieur (ex. : avec un isolant rigide scellé) ou même au niveau de la structure (ex. : avec le béton dans un bâtiment en coffrage isolant). L’emplacement et la sorte de matériaux importent peu relativement à l’importance que les matériaux soient scellés et continus sur toutes les surfaces et composantes de l’enveloppe.

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Marco Lasalle

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