Le 5 mai dernier, l’honorable juge Christian Immer de la Cour supérieure a infirmé la décision d’une juge de paix magistrat de la Cour du Québec rendue le 26 janvier 2022[1], acquittant ainsi des promoteurs immobiliers de l’infraction reprochée, soit d’avoir exécuté ou fait exécuter des travaux de construction sans détenir une licence suivant l’article 46 de la Loi sur le bâtiment (ci-après Loi).
Le juge Immer accepte ainsi les arguments de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). Avant de traiter des aspects juridiques de la cause, rappelons brièvement les faits retenus par le juge Immer dans son jugement.[2]
Les faits
Des promoteurs immobiliers développent de nouveaux secteurs dans la Ville de Sainte-Adèle. Ils doivent construire des rues à leurs frais. Ils signent un protocole d’entente avec la Ville en s’engageant à les céder gratuitement une fois les conditions remplies. Par contre, au terme du protocole d’entente, la Ville se réserve le droit d’accepter ou de refuser la cession des rues. Lors de l’audition devant la juge de première instance, ces conditions n’ont pas été atteintes et la cession n’a pas eu lieu. Pour construire les rues, les promoteurs ont conclu des contrats d’entreprise avec des entrepreneurs généraux dûment licenciés auprès de la Régie du bâtiment du Québec.
La question en litige
L’honorable juge Immer devait déterminer si la juge de première instance avait commis une erreur déterminante en droit en concluant que les promoteurs étaient des entrepreneurs et qu’ils devaient détenir une licence à cet effet.
La réponse aux questions en litige soumises
Dans son jugement, le juge Immer conclut que les promoteurs ne sont pas des entrepreneurs au sens de la Loi. Il statue qu’ils sont plutôt des constructeurs-propriétaires. En raison de ce statut, une licence n’est pas requise puisqu’ils bénéficient d’une exception prévue à l’article 49 (1) de la Loi. Étant propriétaires des rues, ceux-ci ont fait exécuter des travaux de construction pour leur compte, et ce, par des entrepreneurs généraux dûment licenciés. Les critères de l’exception sont donc respectés. Aussi, le juge Immer précise que les faits de l’affaire démontrent que les objectifs de la Loi sont respectés considérant l’effet cumulé des mécanismes de contrôle du protocole et de la présence d’entrepreneurs généraux qualifiés.
Par ailleurs, le juge Immer conclut que la présomption d’entrepreneur prévue à l’article 8 de la Loi est inapplicable en l’espèce. La juge de première instance avait accepté l’argument du poursuivant qui prétendait à la présence d’un échange entre la Ville et les promoteurs puisque l’engagement de céder les rues gratuitement avait comme contrepartie l’émission des permis de construction pour l’exécution des travaux. Le juge Immer rejette cet argument. Comme le soulevait l’APCHQ, le juge Immer rappelle que l’échange est un contratpar lequel les parties se transfèrent respectivement la propriété d’un bien, autre qu’une somme d’argent, suivant l’article 1795 du Code civil du Québec. Or, « strictement rien dans la preuve n’établit que la Ville et les appelantes se » transfèrent respectivement la propriété d’un bien « »[3]. Également, le juge Immer est d’accord avec l’argument de l’APCHQ qui soutenait que « si [le législateur] avait voulu étendre la présomption d’entrepreneur […] à un protocole prévoyant une cession gratuite éventuelle des rues, il l’aurait indiqué »[4] clairement.
La conclusion
L’appel de l’APCHQ est donc accueilli. Le jugement de première instance est infirmé et les promoteurs sont acquittés de l’infraction reprochée. Par contre, le poursuivant dispose d’un délai de 30 jours pour saisir la Cour d’appel du Québec. Nous suivons ce dossier avec intérêt et nous commenterons les développements de cette affaire dans un prochain article.
Pour consulter le jugement de la Cour, cliquez ici.
[1] Nous vous invitons à lire le texte publié le 28 juin 2022 : Des promoteurs doivent-ils détenir une licence délivrée par la Régie du bâtiment du Québec? | Québec habitation (quebechabitation.ca)
[2] Jugement de la Cour supérieure.
[3] Jugement de la Cour supérieure par. 46.
[4] Jugement de la Cour supérieure par. 50.