Technique

Les ravages des sels de déglaçage sur les surfaces de béton

Avec les cocktails météos de neige et de verglas qui s’abattent sur le Québec pendant l’hiver, les propriétaires doivent veiller à la sécurité de tous et déglacer les voies d’accès de leurs bâtiments.

Bien que la plupart des routes soient déglacées au moyen de sels de déglaçage, est-ce que l’utilisation de ces produits convient pour toutes les surfaces? Est-ce que les sels de déglaçage vendus pour utilisation sur le béton sont réellement plus sécuritaires que le sel utilisé traditionnellement (chlorure de sodium)? En fait, plusieurs variables peuvent influencer la durabilité du béton exposé aux cycles de gel/dégel. Il peut s’agir, entre autres, de la qualité des différents constituants des bétons, du milieu d’exposition des ouvrages, de la qualité de la finition, des attaques chimiques, etc.

Afin de répondre à toutes à ces questions, voici un survol des principaux éléments et facteurs pouvant mener à la dégradation des ouvrages de béton.

Sélection du béton

Il faut d’abord choisir un béton adapté pour l’usage projeté. Selon le Code de construction du Québec (édition 2010), les surfaces de béton extérieures doivent avoir des caractéristiques de durabilité permettant de résister aux cycles de gel/dégel, ce qui n’est pas toujours le cas pour le vieux béton. Ainsi, le Code impose l’utilisation d’un béton de classe « C », devant développer une résistance à la compression minimale de 32 MPa, 28 jours après sa mise en place. Il faut aussi demander l’ajout d’air entraîné dans le mélange pour un volume de 5 à 8 %.

Bien que le Code ne s’applique pas d’emblée aux projets de rénovation, le Service technique de l’APCHQ recommande de suivre ces exigences pour la mise en œuvre d’une surface de béton exposée aux intempéries. Toutefois, s’il s’agit d’un projet de resurfaçage d’un béton existant, il faut se rapporter aux instructions d’installation spécifiques du produit choisi et les suivre à la lettre. L’ajout d’eau en trop grande quantité ou une utilisation inadéquate du produit pourraient ruiner le travail. Il ne faut pas hésiter à consulter le manufacturier ou le Service technique de l’APCHQ au besoin. Il est à noter que les options de resurfaçage de béton sont généralement moins durables que la remise à neuf d’un ouvrage.

La finition des surfaces et la cure

Une fois en possession du béton approprié, il faut s’assurer de mettre en place et de finir le béton de façon minutieuse et adéquate. L’air entraîné dans le mélange de béton est utilisé pour ses propriétés hydrophobes, c’est-à-dire qu’il augmente la résistance du béton à l’absorption d’eau et donc sa résistance aux cycles de gel/dégel. Afin que l’air entraîné dans le béton puisse performer adéquatement, quelques règles de base doivent être suivies pour la finition des surfaces.

Il faut d’abord retenir que l’utilisation de truelles en acier aura un impact néfaste sur le réseau de bulles d’air entraînées à la surface du béton. Il est plutôt recommandé d’utiliser des truelles en bois ou en magnésium pour finir les surfaces extérieures. Un travail de finition excessif, soit par un passage répétitif de la truelle ou par une finition effectuée avec une talocheuse mécanique (hélicoptère), aura également pour effet de diminuer la quantité d’air entraîné à la surface du béton.

La finition doit également avoir lieu au bon moment après la mise en place; le cimentier devrait attendre que l’eau de ressuage s’assèche à la surface avant de procéder au travail de finition.

Si la finition est effectuée avant le ressuage, on risque d’emprisonner une quantité importante d’eau près de la surface et altérer au final les propriétés du béton à l’endroit où il sera le plus susceptible d’être attaqué physiquement ou chimiquement, c’est-à-dire à sa surface.

Quand toutes ces précautions relatives à la finition ont été suivies, il faut veiller à fournir au nouveau béton une cure adéquate. La cure est généralement effectuée à l’aide de toiles de jute maintenues humides ou à l’aide d’agents de cure chimique. Somme toute, la cure est considérée comme une des étapes clés pour fournir la durabilité aux nouvelles surfaces de béton.

Pour plus de détails, consultez le Guide chantier de l’APCHQ : Mise en place et cure du béton pour usage résidentiel.

Le béton frais

Dans la plupart des cas, il est possible de marcher sur un ouvrage de béton dès le lendemain de sa mise en place. Toutefois, les mécanismes de mûrissement du béton sont toujours bien actifs. Le mûrissement du béton s’effectue lentement mais sûrement et les premiers mois suivant la mise en place sont critiques pour le développement de ses qualités futures.

Il est primordial de ne pas exposer les nouvelles surfaces de béton aux sels de déglaçage. Une exposition prématurée aux sels pourrait perturber le mûrissement du béton et en altérer les propriétés. Il est donc plus sécuritaire de ne pas utiliser de produits de déglaçage dans la première année de service des ouvrages de béton. Cette recommandation vaut aussi pour les produits de déglaçage vendus comme étant plus « sécuritaires » pour le béton, avec ou sans chlorure. Il est du devoir de l’entrepreneur d’en informer ses clients après la réalisation d’ouvrages de béton extérieurs.

Les sels de déglaçage ont des effets néfastes mesurables sur les propriétés du béton et peuvent notamment causer la détérioration des surfaces.

Les différents produits de déglaçage

Le fondant à glace le plus souvent utilisé sur les routes demeure sans contredit le chlorure de sodium. Les chlorures de calcium et es chlorures de magnésium sont également plus utilisés en raison de leur efficacité supérieure à basse température. Certains manufacturiers proposent des mélanges pour déglaçage qui incorporent, entre autres, ces différents chlorures, tout en spécifiant la sécurité de leurs produits pour les surfaces de béton.

Le Service technique de l’APCHQ a pris connaissance d’études réalisées sur le sujet qui démontrent que les chlorures de magnésium (MgCl2) et les acétates de calcium de magnésium (CaMg2(CH3COO)6) ont des effets néfastes mesurables sur les propriétés des bétons, et ce, même lorsqu’ils sont utilisés en petite quantité. Les recherches sur le sujet tendent à confirmer que ces composantes attaquent chimiquement les bétons. Concrètement, ils causent la détérioration des surfaces, diminuent la résistance en compression et réduisent le module d’élasticité du béton.

Des recherches ont aussi démontré que les chlorures de calcium (CaCl2) et chlorures de sodium (NaCl) utilisés en petites quantités ont relativement peu d’impact sur le béton. Toutefois, ces mêmes études démontrent que les chlorures de calcium (CaCl2) sont chimiquement réactifs avec les éléments contenus dans les pâtes de ciment, lorsqu’ils sont présents en plus grande quantité.

En ce qui concerne le chlorure de sodium (NaCl), il demeure néfaste au béton lorsqu’utilisé en grande quantité, mais sa réactivité avec le béton demeure bénigne comparée à celles des autres produits étudiés, soit le chlorure de magnésium (MgCl2), le chlorure de calcium (CaCl2) et l’acétate de calcium de magnésium (CaMg2(CH3COO)6).

Les principaux dommages rapportés par ces études quant à l’utilisation des chlorures de sodium en grande quantité (NaCl) seraient en lien avec la cristallisation des sels introduits à l’état liquide dans les pores du béton. Le retour à l’état solide des sels introduits à la surface du béton est donc susceptible de générer une pression suffisante pour causer un léger écaillement des surfaces.

En résumé, le chlorure de sodium (NaCl) serait moins dommageable à long terme pour le béton que les autres produits de déglaçage préalablement mentionnés. Il demeure toutefois corrosif et pourra donc avoir un effet mesurable à moyen/long terme sur la durée de vie des aciers d’armature non protégée contre la corrosion.

Il s’avère préférable d’utiliser un abrasif plutôt qu’un produit de déglaçage.

Recommandations

Il est judicieux de vérifier les composantes entrant dans la fabrication des produits de déglaçage, surtout ceux vendus comme étant « sécuritaires ». Les recherches sur le sujet révèlent qu’ils contiennent fréquemment des ingrédients pouvant entraîner la détérioration du béton, et ce, de façon plus sévère que le chlorure de sodium (NaCl).

Ainsi, il s’avère préférable d’utiliser un abrasif (sable et pierre) plutôt qu’un produit de déglaçage pour sécuriser les voies d’accès. Il suffit de nettoyer fréquemment les surfaces en période hivernale afin de réduire la formation de glace à la source.

S’il faut absolument utiliser des produits de déglaçage, il semble que le chlorure de sodium demeure moins dommageable pour le béton, mais sous réserve d’une utilisation en petite quantité. Il est également conseillé de nettoyer les surfaces rapidement après l’application de fondants et d’éliminer manuellement les résidus de neige et de glace.

À propos de l'auteur

Pierre-Marc Larochelle

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