Au Québec, plus que partout ailleurs, la maison prend une place importante dans le patrimoine architectural. Les pionniers de la Nouvelle-France ont dû user d’ingéniosité et travailler d’arrachepied pour faire face au climat rude et hostile de notre coin de pays septentrional. C’est le point de départ de l’architecture résidentielle québécoise.
Le Québec est riche en variété de modèles d’habitations et les différents styles de notre architecture résidentielle reposent tous sur la même volonté : la domination de l’environnement. Il faudra attendre les années 1960 et 1970 pour constater un changement radical dans la façon de concevoir nos demeures.
Non seulement ces deux décennies affirment une réaction aux styles traditionnels d’influence française et anglaise, mais aussi l’expérimentation de nouveaux matériaux et de nouvelles formes. Le tout allié à l’obligation de faire vite, et à peu de frais. D’un côté, ceci entraînera la perte d’un paysage urbain jusqu’alors harmonieux et beau. Alors que de l’autre, on verra naître des bâtiments d’exception, primés, qui mettront le Québec sur la scène mondiale.
Le début des années 1960 marque le commencement de l’étalement urbain, où la banlieue se dessine autour des grands centres. Les bungalows y poussent comme des champignons, laissant derrière nous les paysages bucoliques d’autrefois qui reflétaient le travail acharné de nos ancêtres.
Le bungalow
Grand maître de la banlieue, le bungalow typique des années 1960 est pourtant peu intéressant. L’espace habitable offert sur un seul étage est restreint (environ 1 000 pi ca) et les pièces (cuisine, salon, une salle de bain et trois chambres à coucher) sont sensiblement de mêmes dimensions et offrent peu de luminosité. D’architecture simple mais fonctionnelle, le bungalow se veut toutefois une bonne réponse à l’obligation de faire vite et à petit budget.
Le bungalow s’adresse aux familles de classe moyenne. Celles ayant un meilleur revenu vont vite y ajouter un abri d’auto ou un garage, mais surtout, faute d’espace, finir le sous-sol (pratique propre aux Québécois). C’est un peu pour la même raison qu’on verra apparaître les cottages vers la fin des années 1970. Alors que les terrains se font de plus en plus petits, les plus nantis de la classe moyenne veulent plus d’espace, mais n’ont pas nécessairement les moyens des plus fortunés d’occuper beaucoup de superficie au sol.
Le cottage
Avec l’arrivée du cottage, l’escalier prend une place de choix. Il devient pratiquement un meuble que les propriétaires sont fiers d’exhiber devant leurs invités. Ce qui est totalement ironique puisqu’on tend vers le cottage pour des raisons de manque d’espace, alors qu’on vient donner beaucoup de pieds carrés à un élément qui, en réalité, n’est qu’un espace de circulation.
En parallèle de la banlieue tant convoitée naissent dans le paysage urbain des bâtiments d’habitation hors du commun, où l’on expérimente de nouveaux matériaux et de nouvelles formes en réaction aux styles architecturaux traditionnels et tranquilles jusqu’alors connus. Les maisons Kinsmen d’ExpoCité et Habitat 67 d’Expo 67 s’inscrivent dans un courant contestataire face à l’ordre et la société de consommation dans lequel était plongé le Québec.
La maison Kinsmen
La maison Kinsmen de 1968 venait faire un pied de nez aux bungalows traditionnels. Cette maison marque le début d’une architecture résidentielle contemporaine au Québec. Créativité et audace sont sans contredit les qualificatifs appropriés pour cette construction où le caractère épuré était avant-gardiste.
Une fenestration abondante et étudiée, un jeu de toits plats, une mince cheminée d’aluminium positionnée bien en évidence en façade avant qui rappellent un style industriel et une porte d’entrée d’un rouge vif sont tous des éléments architecturaux totalement nouveaux pour une maison unifamiliale. On se retrouve aux antipodes des cottages et des bungalows maintenant bien implantés dans les banlieues du Québec.
Habitat 67
De son côté, Habitat 67 a permis au Québec de se faire connaître mondialement en matière d’architecture. Bien que ce soit aujourd’hui extrêmement coûteux d’y acquérir un appartement, ce complexe d’habitation inspiré des maisons de l’île grecque de Santorin était d’abord dédié aux familles à revenus moyens, tout comme le bungalow des banlieues.
Conceptuellement, l’architecte Moshe Safdie voulait mettre un terme à la claustrophobie et à l’uniformité de la vie urbaine. La construction démarra en 1965 pour se terminer trente mois plus tard. Le bâtiment composé de 354 modules de béton préfabriqués compte 150 appartements, chacun comprenant entre un et huit modules. Lors du chantier, on a même construit une usine à proximité du site pour y produire les 354 modules qui ont été assemblés à l’aide d’une grue.
À première vue, on pourrait penser que les modules sont positionnés aléatoirement. Mais en réalité, lorsqu’on se place selon certains angles précis, on voit bien les séries de pyramides reliées par des aires communes de circulation, où sont regroupées des passerelles piétonnes protégées, des escaliers et des ascenseurs.
Un des éléments intéressant et novateur réside certainement dans l’emplacement de chaque appartement. Le concept veut que chaque appartement soit soigneusement positionné à un angle opposé à celui du dessous. Ainsi, le toit de chacun devient la terrasse de l’autre, rendant chaque terrasse privée de la vue des voisins, mais permettant une vue sur trois orientations, pour certains sur la ville de Montréal, et pour d’autres sur le fleuve Saint-Laurent. Il faudra attendre en 2009 avant que ce bâtiment d’exception soit classé « monument historique ». Habitat 67 devient ainsi le premier bâtiment moderne à obtenir cette reconnaissance du gouvernement.
Bref, force est de constater que les nouvelles tendances « modernes » convoitées par les clients potentiels d’aujourd’hui n’ont rien de nouveau. De nos jours, on tente maladroitement d’habiller un bungalow ou un cottage d’éléments « modernes » du milieu du siècle dernier. Sans grand succès malheureusement.