Les toitures végétalisées sont de plus en plus présentes sur nos toits, mais leur impact en matière de sécurité incendie ne fait pas consensus.
Alors que certains considèrent qu’elles permettent de retarder la propagation du feu grâce leur couverture végétale et à l’humidité qu’elles contiennent, d’autres considèrent à l’opposé que leur présence constitue un risque incendie en présentant une charge combustible supplémentaire. Cette question constitue un enjeu important au Québec, où la législation limite l’usage de ces toitures sur les structures en bois.
C’est dans le but d’y voir plus clair que Nataliia Gerzhova a entrepris son projet de doctorat à la Chaire industrielle de recherche sur la construction en bois (CIRCERB) de l’Université Laval. Réalisé sous la direction de Pierre Blanchet, la codirection de Christian Dagenais (Université Laval/ FPInnovations) et Sylvain Ménard (UQAC) ainsi que la collaboration de Jean Côté (Université Laval), ce projet de recherche visait à documenter le comportement au feu des toitures végétalisées de façon expérimentale et numérique.
Impact du substrat de croissance
La contribution possible du substrat à un incendie a été évaluée. Un substrat communément utilisé pour les toitures végétalisées a été testé à l’état sec et humide (30&nbs;% d’humidité) (Figure 1). L’usage d’un calorimètre à cône a permis de déterminer le temps d’allumage ainsi que le débit calorifique du substrat, c’est-à-dire l’énergie calorifique produite par la combustion par unité de temps. Les résultats ont été comparés à ceux de la littérature pour une membrane en bitume modifié avec un retardateur de flamme, une couverture fréquemment utilisée au Québec.
Selon les résultats obtenus, les débits calorifiques maximaux des substrats secs ont été de trois fois supérieurs à ceux des substrats humides (Figure 2). Cependant, ces valeurs pour les substrats secs sont atteintes dans les premières secondes et diminuent rapidement après une minute. Le débit calorifique de la membrane est quant à lui plus élevé que celui des substrats secs. De plus, il ne diminue pas aussi rapidement après un premier pic, continuant à dégager de la chaleur pendant une période beaucoup plus longue. Les résultats montrent que le substrat même à l’état sec présente un risque beaucoup plus faible que la membrane fréquemment utilisée au Québec.
En cas d’incendie dans la toiture végétalisée, la structure d’un toit est-elle à risque?
La simulation numérique a été utilisée pour déterminer si la structure sous-jacente est mise à risque en cas d’incendie sur une toiture végétalisée. Les analyses ont été effectuées pour différentes charges thermiques (50, 100, 150 et 200 kW/m²) et différentes épaisseurs de substrats (3 à 10 cm). La température critique d’allumage pour une structure de toit en bois a été fixée à 300 °C.
Les résultats des différentes simulations ont permis d’affirmer que la toiture végétalisée protège efficacement la structure d’un toit, en retardant la propagation de la chaleur vers la structure. Les analyses ont par exemple démontré qu’une structure de toit en bois sur laquelle une toiture végétalisée possédant un substrat de 10 cm d’épaisseur exposée à un flux thermique de 50 kW/m² pendant quatre heures, atteint une chaleur de 110 °C, soit bien en dessous de la température critique.
Plus le substrat est épais, plus la toiture végétalisée joue son rôle de protection. Mais même avec une couche de substrat de seulement 5 cm, la toiture végétalisée retarde efficacement la propagation de la chaleur. La toiture a atteint une température critique après trois heures d’application d’une charge thermique d’une grande intensité (200 kW/m²) (Figure 3). La modélisation a démontré que l’ajout d’un panneau de gypse sur la structure d’une toiture en bois permet de retarder l’atteinte de cette température critique d’environ une heure.
Risques pour les bâtiments adjacents
En cas d’incendie sur une toiture végétalisée, l’effet des paramètres de la végétation (type, hauteur des plants, charge combustible et densité de plantation), de la teneur en humidité de cette végétation et de la vitesse du vent sur le risque de propagation du feu pour les bâtiments adjacents a été évalué. Le principal mode de propagation du feu retenu pour l’étude a été le rayonnement thermique, alors que le flux thermique critique à la surface réceptrice a été fixé à 12,5 kW/m², valeur généralement acceptée dans la construction (Figure 4). L’étudiante a démontré qu’une toiture composée de plantes basses présente un risque beaucoup plus faible pour les bâtiments adjacents comparativement à une toiture qui comporte des végétaux plus hauts et denses. Par ailleurs, plus ces végétaux sont maintenus humides, moins ils représentent une menace pour les bâtiments adjacents.
Enfin, les travaux de Mme Gerzhova ont démontré le rôle de protection des toitures végétalisées en cas d’incendie. Ils ont mis en lumière que la présence d’un substrat de croissance retarde la propagation de chaleur vers la toiture et ont démontré l’impact de son épaisseur sur ce rôle de protection. Maintenir une teneur en eau suffisante dans la végétation est un moyen efficace pour diminuer la menace de propagation du feu vers les bâtiments voisins en cas d’incendie.
Collaboration spéciale de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.