Innovation Mur Parfait de l'APCHQ

Exploration de l’utilisation de panneaux ondulés en bois pour des applications dans le bâtiment

Dans le but d’explorer les avantages structuraux de la forme ondulée, des panneaux ondulés à base de bois ont servi de matière première à deux projets de recherche réalisés dans le cadre des activités de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval.

Plus précisément, ces projets de doctorat avaient pour objectif d’étudier l’utilisation de ces panneaux ondulés dans le bâtiment, soit dans l’enveloppe et en structure.

Ces projets de recherche ont été réalisés en partenariat avec l’entreprise Corruven Inc., basée au Nouveau-Brunswick. L’entreprise fabrique des panneaux ondulés à base de feuilles de papier kraft recyclé et de placages de bois déclassés par l’industrie du contreplaqué. Ces panneaux sont utilisés pour différentes applications spécifiques, mais leur principal marché actuel est le secteur de l’emballage. Les produits Corrshield et Corrpack de Corruven Inc. ont servi de matière première dans ces recherches.

Bien que ces panneaux ondulés, pris individuellement, n’ont pas des performances mécaniques suffisantes pour constituer une alternative aux panneaux structuraux à base de bois tels que le contreplaqué et l’OSB, leur forme ondulée leur confère des propriétés mécaniques particulières, dont un bon ratio poids-résistance, qui peuvent être mises à profit dans certaines applications. Les panneaux ondulés de Corruven Inc. ont également un avantage environnemental puisque leur matière première est issue de la récupération, tant le papier Kraft que les placages, qui sont récupérés de chutes industrielles.   

Un premier projet de recherche, conduit par le doctorant Abdessamad Jiloul, a exploré l’utilisation des panneaux ondulés dans une application structurale. Dans un premier temps, les panneaux ondulés ont été caractérisés mécaniquement au laboratoire. Cette caractérisation comprenait des essais de compression, de traction et de flexion dans le sens parallèle et perpendiculaire aux ondulations du panneau. Ces essais ont mis en lumières les propriétés particulières des panneaux ondulés. En plus de leur conférer une légèreté, les ondulations leur attribuent un meilleur comportement mécanique, soit une meilleure résistance et une meilleure rigidité à la compression, à la traction et à la flexion, tout en leur conférant une légèreté. La configuration ondulée permet de renforcer les panneaux dans un sens particulier au détriment du sens opposé. Ainsi les propriétés mécaniques des panneaux ondulés dans le sens axial sont supérieures à celles dans le sens transversal, leur attribuant un comportement anisotrope et uniaxial.

En fonction de ces propriétés, l’étudiant-chercheur a par la suite exploré des applications structurales potentielles de matériaux composites faits à base de ces panneaux ondulés, dont des panneaux muraux, des poteaux, des poutrelles en I ainsi que des hourdis ou entrevous. Parmi ces applications structurelles potentielles, les poutrelles en I avec une âme à base de panneaux ondulés sont ressorties comme l’option la plus prometteuse.

La suite du projet s’est donc concentrée sur ces poutrelles en I. L’idée était de fournir au concepteur une option supplémentaire aux poutrelles en I de bois qui existent actuellement sur le marché. La poutrelle à développer possèderait une âme en panneaux ondulés capable de remplir le même rôle structurel que les âmes en bois courantes des poutrelles en I. Par conséquent, un cahier des charges a été établi pour une poutrelle avec âme à base de panneaux ondulés ayant une fonction structurale, sur la base des spécifications des poutrelles en I en bois du marché.

Sur la base des critères établis dans le cahier des charges, l’exploration de différentes conceptions a mené à la sélection de deux modèles de poutrelle, présentant des configurations d’âme différentes. Le premier modèle consiste en une poutrelle en I dont l’âme est constituée d’un seul panneau ondulé placé verticalement (photo 1 A). Le second est une poutrelle en I dont l’âme est constituée d’un double panneau ondulé placé verticalement en nid d’abeille (photo 1 B). Les poutrelles ont été comparées à une poutrelle commerciale en I avec âme en OSB (photo 1 C)

Figure 1Les poutrelles en I à l’étude (source : Abdessamad Jiloul)

Les poutrelles développées ont été fabriquées et caractérisées par des essais de flexion afin de déterminer leurs propriétés mécaniques (photo 2). Les résultats obtenus au laboratoire ont montré que la capacité de cisaillement d’une poutrelle avec une âme ondulée à un seul panneau n’est que de 45 %, tandis qu’une poutrelle avec une âme ondulée à double panneau offre 87 % de la capacité de cisaillement des poutrelles en I de bois avec âme en OSB.

Le dernier volet de ce projet de doctorat a porté sur une étude numérique appliquée sur des poutrelles en I avec âme ondulée dans l’essai de flexion en utilisant le logiciel Abaqus. Cette approche numérique a permis d’étudier la sensibilité du modèle d’essai de la poutrelle aux propriétés élastiques de l’âme ondulée. La simulation a démontré que le module de cisaillement dans le plan est la propriété élastique la plus significative dans le comportement de la poutrelle et est estimé à 1300 MPa, afin de reproduire le même comportement de la poutrelle à âme ondulée que celui testé expérimentalement. Cette approche numérique a également permis de déterminer le mode de rupture en cisaillement de l’âme ondulée. Ce mode de rupture se manifeste par un flambage interactif, suivi de la création de lignes de tension diagonales.

Figure 2Montage au laboratoire pour les essais en flexion avec chargement en trois points sur la poutrelle développée

En parallèle, un second projet de doctorat, réalisé par Adrien Gaudelas, a quant à lui porté sur l’exploration du potentiel d’application de ces mêmes panneaux ondulés cette fois dans l’enveloppe. Plus précisément, le doctorant a caractérisé les propriétés hygrothermiques de ces panneaux, a fait la conception de solutions d’enveloppe structurelle et a évalué la performance de ces solutions.

Dans un premier temps, la caractérisation des propriétés physiques de trois compositions de panneaux ondulées a été réalisée afin d’identifier leurs applications potentielles dans le domaine de la construction. Différentes propriétés des panneaux ont été mesurées, dont la conductivité thermique, la capacité thermique, la perméabilité à la vapeur d’eau, la capillarité, la sorption et la capacité tampon hydrique. Pour la plupart de ces mesures, les résultats obtenus mènent au constat que les panneaux ont des propriétés physiques similaires aux panneaux contreplaqués et de fibres. Selon ces résultats, les panneaux CorrShield 1910, qui comportent deux âmes en placage de bois et deux surfaces en papier kraft enduites de polymères sont les plus prometteurs (figure 3, panneau c). Cette composition est moins sensible à l’eau ce qui s’avère avantageux pour un usage dans l’enveloppe.

Figure 3 – Les différentes configurations de panneaux testées :
a) CorrPack 1902
b) CorrShield 1904
c) CorrShield 1910
(source : Adrien Gaudelas)

L’étudiant chercheur s’est ensuite penché sur le développement de solutions d’enveloppes structurelles ayant pour but d’exploiter ces propriétés. Après plusieurs itérations de conception, il a modélisé quatre configurations ou prototypes distincts (figure 4). Les premiers prototypes comprennent des panneaux structuraux ondulés jumelés avec un cadre en bois de 2×4 (PSOND24), et un prototype de panneau structurel ondulé avec un cadre en bois de 2×6 (PSOND26). Pour ces deux configurations, on retrouve une laine de verre entre les panneaux ondulés, et un isolant rigide en polystyrène extrudé (XPS) à l’extérieur.

Les deux autres prototypes s’inspirent des panneaux structuraux isolés ou SIP pour structural isolated panels. On retrouve le PISOND, et une version à doubles panneaux ondulés, soit le PISON-D. Dans ces deux prototypes, il n’y a pas d’ossature légère en bois, la charge verticale est entièrement absorbée par les panneaux ondulés, avec l’avantage qu’il n’y a pas de ponts thermiques structurels dans ces systèmes. De plus, dans ces prototypes, l’isolation est complètement déplacée vers l’extérieur, de sorte que la membrane pare-vapeur a été éliminée en déplaçant le point de rosée vers l’extérieur.

Figure 4 – Les quatre configurations de mur à l’étude (à gauche) et aperçu de la configuration PISOND-D (à droite) (source : Adrien Gaudelas)

La performance de ces quatre configurations d’enveloppe structurelle a été évaluée et comparée à celle d’un mur de référence, soit l’enveloppe Novoclimat. En matière de résistance thermique, la résistance thermique totale de l’enveloppe de référence (Novoclimat) est de 5,53 m2.K.W-1, alors que celle de PSOND26 a atteint une valeur inférieure à cette référence avec une valeur de 5,16 m2.K.W-1. Le PSOND24 qui atteint la résistance de 5,61 m2.K.W-1 démontre que, lorsqu’une part plus importante de l’isolation est située à l’extérieur de la structure, l’influence des ponts thermiques est réduite. Le prototype PISOND a quant à lui présenté une valeur de 5,52 m2.K.W-1, presque égale à l’enveloppe Novoclimat, alors que le prototype PISOND-D a présenté la résistance thermique la plus élevée avec une valeur de 5,69 m2.K.W-1. La résistance thermique n’a pas été trop influencée par rapport à l’assemblage léger de référence.

Les résultats ont également montré que les assemblages de type SIPs intégrant des panneaux ondulés sont plus performants que la référence en ce qui concerne l’indice de croissance des moisissures. En effet, les résultats montrent que les compositions PISOND et PISOND-D semblent plus durables que les compositions Novoclimat, PSOND24 et PSOND26, car elles sont plus résistantes aux problèmes d’humidité et ont une meilleure capacité à sécher.

Des murs grandeur réelle des prototypes PISOND et PISOND-D ont été testés dans le laboratoire de structure afin d’évaluer les performances mécaniques de ces prototypes. Des essais de compression et des essais de cisaillement ont été réalisés. Les essais de compression, effectués sur des échantillons de 2,40 x 1,2 m, ont démontré une rigidité supérieure à celle des ossatures légères en bois, avec une déformation en flambement minimale et des ruptures fragiles. Les essais de cisaillement ont été réalisés sur des échantillons de 2,40 x 2,4 m (Figure 5 Aperçu des essais en cisaillement sur un prototype grandeur réelFigure 5). Les résultats ont démontré une résistance de quatre à sept fois plus grande pour les prototypes PISOND par rapport à l’ossature légère en bois. Les prototypes se sont également révélés plus rigides, avec des déplacements minimes et des ruptures fragiles.

Figure 5 – Aperçu des essais en cisaillement sur un prototype grandeur réelle
(source : Adrien Gaudelas)

En conclusion, ce projet a proposé de nouvelles avenues pour l’utilisation de panneaux ondulés en bois dans la construction d’enveloppes de bâtiments structurelles et durables. En effet, ces premiers essais ont démontré le potentiel d’industrialisation de la construction que représentes les panneaux ondulés dans l’enveloppe. On constate que des améliorations restent à faire, notamment pour améliorer la résistance à l’humidité et la stabilité dimensionnelle des panneaux, ainsi que la solidité des interfaces de collage et le comportement mécanique des prototypes.

À propos de l'auteur

Myriam Drouin, Adrien Gaudelas et Abdessamad Jiloul

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