Un employeur a reçu un constat d’infraction pour avoir utilisé les services d’un salarié qui exécutait des travaux de construction sans être titulaire du certificat de compétence requis et délivré par la Commission de la construction du Québec (CCQ), ou sans bénéficier d’une exemption suivant la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction1.
Un inspecteur de la CCQ s’est présenté sur un chantier de construction situé dans la région de Montréal. Il a vu un salarié exécuter des travaux de charpente sur une maison unifamiliale en construction. Ce salarié a été identifié avec sa carte d’exemption émise par la CCQ, limitée à la région des Cantons-de-l’Est. L’identité du salarié et celle de l’employeur ont été confirmées par un représentant de celui-ci. Une seule question se pose: l’exemption peut-elle être restreinte à une région?
Positions
- L’affaire A&M Experts
La Cour du Québec a eu l’occasion d’examiner cette question dans une affaire rendue en 20102. Après avoir examiné des dispositions prévues dans le Règlement sur la délivrance des certificats de compétence3 (ci-après Règlement) et avoir tenu compte des principes d’interprétation en matière pénale, le juge de paix magistrat Yannick Couture a conclu qu’on ne peut limiter à une région la validité d’une exemption.
En conséquence, l’exemption émise au salarié était valide pour l’ensemble du Québec. L’employeur poursuivi a été acquitté de l’infraction reprochée.
Plus spécifiquement, le juge Couture a indiqué que le Règlement ne contient pas de disposition spécifique qui permet de restreindre l’exemption à une région déterminée. Il soulignait que le Règlement prévoit qu’une exemption peut être assortie de certaines conditions, notamment quant à sa durée, aux types de travaux, à l’identité de l’employeur qui justifie la demande d’exemption, de même qu’un chantier de construction auquel se rapporte une telle demande.
Aussi, il était d’opinion que le Règlement doit être interprété restrictivement en raison du contexte pénal et du droit pour une personne de gagner sa vie dans l’occupation, le métier ou la profession qu’elle choisit. En outre, il ajoutait qu’il faut privilégier une interprétation la plus favorable à l’accusé.
- L’affaire Entreprises DP
Dans un jugement rendu le 13 mars dernier4, la juge de paix magistrat Tanya Larocque adoptait une approche différente et rendait un verdict de culpabilité à l’égard d’un employeur. Elle justifiait son verdict, notamment, par le fait qu’il faut tenir compte du contexte de pénurie de main d’œuvre dans la région visée par la demande d’exemption formulée par l’employeur.
Aussi, elle a précisé qu’il appartient à un employeur d’établir qu’aucun titulaire d’un certificat de compétence n’est disponible dans l’industrie de la construction pour exécuter les travaux justifiés par sa demande5. La CCQ peut dès lors exempter une personne de l’obligation de détenir un certificat de compétence.
Toutefois, elle a ajouté que l’exemption émise doit être restreinte à la région où les travaux de construction seront exécutés. Un employeur ne peut affecter un salarié partout au Québec, mais uniquement dans la région visée par la demande d’exemption et dans laquelle sévit une pénurie de main d’œuvre.
Permettre à une personne qui bénéficie d’une exemption de travailler partout au Québec aurait pour effet de concurrencer déloyalement des salariés, titulaires du certificat de compétence, qui seraient disponibles dans leur région pour exécuter des travaux de construction.
La juge Larocque a estimé que l’interprétation des dispositions du Règlement est claire6 et a conclu que l’employeur poursuivi avait affecté ou utilisé les services d’un salarié à des travaux de construction et ce, sans être titulaire d’un certificat de compétence ou d’une exemption valide.
Conclusion
Le jugement de la juge Larocque fait actuellement l’objet d’un appel à la Cour supérieure. Des enjeux d’interprétation sont en cause. Nous suivons ce dossier avec intérêt et dans un prochain article, nous commenterons le jugement rendu par le tribunal d’appel.
1 RLRQ c. R-29. Ci-après Loi R-20. L’accusation est portée suivant l’article 119.1 (3).
2 Directeur des poursuites criminelles et pénales c. A&M Experts Inc., District de Québec, 200-61-128193-099, C.Q., 13 septembre 2010, Juge de paix magistrat Yannick Couture.
3 R.R.Q. c. R-20, r. 5.2. Le juge Couture a considéré les articles 15 (7), 15 (8), 15.1 (3) et 15.5 du Règlement.
4 Directeur des poursuites criminelles et pénales c. 9278-5765 Québec Inc. (Entreprises DP), 2024 QCCQ 1149. Ci-après Jugement Entreprises DP.
5 Voir le paragraphe 8 du jugement Entreprises DP.
6 La juge Larocque a considéré entre autres les articles 3, 14 (6) et 15 du Règlement.